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consuls et à la Conservation[1] de Lyon ; que les preuves testimoniales ne seraient point admises quand les preuves par écrit parlent si haut.

Que fait-il donc ? C’est lui qui, avec un homme autrefois avocat, ranime le courage abattu du jeune homme et de sa mère, qui ont fait l’aveu du crime à eux imputé ; c’est lui qui les excite à renier cette confession extorquée par la violence. Il dresse leur requête, il parle en leur nom, il les présente au public et aux juges comme des victimes sous le couteau de la tyrannie ; il obtient leur élargissement. Presque toute la France élève la voix avec lui pour une famille du peuple trompée, volée, opprimée par un homme qui n’a pour lui que sa qualité et des dettes. Ces dettes le rendent très-suspect ; sa qualité ne lui sert pas de défense dans l’esprit d’une nation alarmée, qui a vu tant d’hommes indignes de leur nom se déshonorer par des actions basses et cruelles.

L’intervention de ce solliciteur serait donc une grande probabilité pour les accusés si elle était gratuite ; mais, étant mercenaire, elle semble être contre eux, et tout ce qu’on peut faire de plus favorable pour eux, c’est de ne la pas compter.

Mais il y a ici une réflexion importante à faire.

D’un côté, si l’officier n’est pas de bonne foi, il n’y a qu’un déliquant ; de l’autre, si le jeune homme a trompé l’officier, il y a neuf criminels, lui, sa mère, sa grand’mère, ses deux sœurs, les deux témoins, le solliciteur qui achète ce procès, l’ancien avocat qui a servi de conseil.

Mais, de tous ces complices, il se peut qu’il y en ait plusieurs de séduits et de trompés. L’ancien avocat, le solliciteur, peuvent ravoir été ; les deux sœurs, la grand’mère elle-même, peuvent avoir été subjuguées par lejeune homme. Tout cela ne présente encore à l’esprit que de funestes doutes. Mais d’un côté neuf plaignants, et de l’autre un seul, semblent diminuer les probabilités qui parlaient en faveur de l’officier. Réduisons-les à cent cinquante.

MORT ET TESTAMENT DE LA GRANd’mÈRE PENDANT LE PROCÈS.

Le calcul va bien changer. L’aïeule, sur qui roule toute l’affaire, paye enfin le tribut à la nature : elle reçoit ses sacrements, et fait son testament le jour même de sa mort 2.

1.

2. 12 mars 1772.

  1. C’était le titre du tribunal de commerce de Lyon.