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482 LETTRE

chez un notaire nommé Gillet, qui les lui rendit uussi secrète- ment en 1760. Donc elle avait en effet les cent mille écus que son adversaire prétend qu'elle n'a jamais possédés.

2° Elle est morte, dans une extrême vieillesse, pendant le cours du procès, en protestant, après avoir reçu les sacrements, que ces cent mille écus ont été portés en or à l'officier général, par son petit-fils, en vingt-six ^ voyages à pied, le 23 septembre 1771.

3° Il n'est nullement probable qu'un officier, accoutumé à emprunter, et rompu aux affaires, ait fait des billets payables à ordre pour la somme de trois cent mille livres à un inconnu, sans avoir reçu cette somme.

4° Il y a des témoins qui ont vu compter et arranger les sacs remplis de cet or, et qui ont vu le docteur es lois le porter à pied, sous sa redingote, au maréchal de camp, en vingt-six voyages, en cinq heures de temps ; et il n'a fait ces vingt-six voyages éton- nants que pour complaire au maréchal de camp, qui lui avait demandé le secret.

5° Le docteur es lois ajoute : u Notre grand'mère et nous, nous vivions à la vérité dans un galetas, et nous prêtions sur gages quelque petit argent ; mais c'était par une sage économie ; c'était pour m'acheter une charge de conseiller au parlement, lorsque la magistrature était vénale. Il est vrai que mes trois sœurs ga- gnent leur vie au métier de couturière et de brodeuse ; mais c'est que ma grand'mère gardait tout pour moi. Il est vrai que je n'ai fréquenté que des entremetteuses, des cochers, et des laquais ; j'avoue que je parle et que j'écris comme eux, mais je n'en aurais pas été moins digne d'être magistrat, en me formant avec le temps.

6° Tous les honnêtes gens ont été touchés de notre malheur. M. Aubourg, l'un des plus dignes financiers de Paris, a pris notre parti généreusement, et sa voix nous a donné la voix publique.

Ces défenses paraissent plausibles en partie. Voici comme leur adversaire les réfute.

��RAISONS DL MARECHAL DE CAMP CONTRE LES RAISONS DE LA FAMILLE VÉRON.

1° Le conte du fidéicommis est, aux yeux de tout homme sensé, aussi faux et aussi burlesque que le conte des vingt-six

1. Lorsque Voltaire parle de vingt-six voyages, il compte isolément chaque allée et chaque venue ; lorsqu'il ne parle que de treize, il ne compte l'allée et le retour que pour un. (B.)

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