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470 DISCOURS D'ANNE DUBOURG

Le conseiller en crut enfin quelque chose, et, rappelant tout son courage, il avoua qu'étant Français, et neveu d'un chancelier de France S il préférait Paris à Borne; que Jésus-Christ n'avait jamais été prélat romain; que la France ne devait point être asservie aux Guises et à un légat ; que l'Église avait un besoin extrême d'être réformée, etc. Sur cette confession, il fut déclaré hérétique, condamné à être brûlé de droit, et par grâce à être pendu auparavant.

Quand il fut sur l'échelle, voici comme il parla :

« Vous avez, en me jugeant, violé toutes les formes des lois : qui méprise à ce point les règles méprise toujours l'équité. Je ne suis point étonné que vous ayez prononcé ma mort, puisque vous êtes les esclaves des Guises, qui l'ont résolue. Ce sera sans doute une tache éternelle à votre mémoire, et à la compagnie dont je suis membre, que vous ayez joint un confrère à tant d'autres victimes ; un confrère dont le seul crime est d'avoir parlé dans nos assemblées contre les prétentions de la cour de Rome, en faveur des droits de nos monarques.

« Je ne puis vous regarder ni comme mes confrères, ni comme mes juges ; vous avez renoncé vous-mêmes à cette dignité pour n'être que des commissaires. Je vous pardonne ma mort; on la pardonne aux bourreaux : ils ne sont que les instruments d'une puissance supérieure ; ils assassinent juridiquement pour largent qu'on leur donne. Vous êtes des bourreaux payés par la faction des Guises. Je meurs pour avoir été le défenseur du roi et de l'État contre cette faction funeste.

(( Vous qui jusqu'ici aviez toujours soutenu la majesté du trône et les libertés de l'Église gallicane, vous les trahissez pour plaire à des étrangers. Vous vous êtes avilis jusqu'à l'opprobre d'admettre dans votre commission un inquisiteur du pape-.

« Vous devriez voir que vous ouvrez à la France une carrière bien funeste, dans laquelle on marchera trop longtemps. Vous prêtez vos mains mercenaires pour soumettre la France entière à des cadets d'une maison vassale de nos rois. La couronne sera foulée par la mitre d'un évêque italien. Il est impossible d'entre- prendre une telle révolution sans plonger l'État dans des guerres civiles qui dureront plus que vous et vos enfants, et qui produi- ront d'autant plus de crimes qu'elles auront la religion pour pré-

��i. Antoine Dubourg, président au parlement de Paris, fut chancelier de lo35 à 1538.

2. Cet inquisiteur se nommait Mouchy.

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