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DISCOURS

DU CONSEILLER ANNE DUBOURG

A SES JUGES '.

(1771)

��L'histoire d'un pendu du xvr siècle, et ses dernières paroles, sont en général peu intéressantes. Le peuple va voir gaiement ce spectacle, qu'on lui donne gratis. Les juges se font payer leurs épices, et disent : (( Voyons qui nous reste à pendre, » Mais un homme tel que le conseiller Anne Dubourg peut attirer l'attention de la postérité.

Il était détenu à la Bastille, et jugé, malgré les lois, par des commissaires tirés du parlement même.

L'instinct qui fait aimer la vie porta Dubourg à récuser quelque temps ses juges, à réclamer les formes, à se défendre parles lois contre la force.

Une femme de qualité, nommée M""' de Lacaille, accusée comme lui de favoriser les réformateurs, et détenue comme lui à la Bastille, trouva le moyen de lui parler, et lui dit : « i^'ètes- vous pas honteux de chicaner votre vie? Craignez-vous de mourir pour Dieu ? »

Il n'était pas bien démontré que Dieu, qui a soin de tant de globes roulants autour de leurs soleils dans les plaines de l'éther, voulût expressément qu'un conseiller-clerc fût pendu pour lui dans la place de Grève ; mais M""^ de Lacaille en était convaincue.

��1. Dans la Table chronologique qui fait partie des éditions de Kehl, cet écrit est classé à l'année 1771 ; mais rien n'indique à quel mois de cette année il appar- tient. Voltaire a souvent rappelé le supplice d'Anne Dubourg (voyez tome XIII, page 50G; XXVI, 482; XXVII, 65); il en parle avec quelques détails tome XII page 333, et XV, 503. '

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