Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/475

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE

TOCSIN DES ROIS

��(1774

��L'Europe a frémi de l'assassinat du roi de Pologne; les coups qui l'ont frappé ont percé tous les cœurs. Mais quelle puissance se met en devoir de le venger? Sera-ce la sainte Vierge, devant

1. Dans leur table chronologique, les éditeurs de Kelil ont placé cette pièce à l'année 1771. Elle doit être de la fin de cette année, puisque Voltaire parle comme d'un événement récent de l'assassinat du roi de Pologne. Ce fut le 3 novembre 1771 qne Stanislas-Auguste Poniatowski fut attaqué, vers les dix heures du soir, par des assassins qui portaient sur un étendard une image de la Vierge et de l'enfant Jésus.

Peu après la brochure de Voltaire parut un Mandement du muphti portant condamnation d'un écrit qui a pour titre : Le Tocsin des rois, par M. de Voltaire, imprimé à Genève, suivi d'un décret du divan, qui ordonne que cet écrit sera foulé aux pieds dans tous les carrefours de Constantinoplc, et brûlé aux portes des principaux mécréants qui y résident: ouvrage traduit de l'arabe, et enrichi de notes de l'éditeur, imprimé à Constantinople, l'an de Vhégire 1I6S, grand in-S" de 95 pages. Voltaire y est appelé vieillard insensé, vieillard méchant et cruel, etc. L'auteur du mandement a fait erreur dans la date qu'il a mise. L'année 1168 de l'hégire est antérieure de seize ans à 1771, et correspond à nos années 1754-53.

Voici ce qu'on lit dans les Mémoires de Dutens (tome P*", page 334, édition de Paris): c J'avais publié, à Rome, une brochure intitulée le Tocsin, où l'incré- dulité était attaquée avec force, et la fausse philosophie mise dans un jour propre à en dévoiler l'absurdité. Voltaire, Rousseau, et quelques autres, sans être nom- més, y étaient peints avec des couleurs un peu fortes, et quelqu'un avait pris soin d'envoyer l'ouvrage à Voltaire, et de l'informer que j'en étais l'auteur. J'igno- rais que le Tocsin fût parvenu jusqu'à lui, et je ne fus pas peu surpris, lorsque j'entrai dans sa chambre, de me voir assailli par une apostrophe : « Ah! ah! mon. « sieur, c'est donc vous qui avez sonné le tocsin contre moi ? » Je n'avais pas mis mon nom au Tocsin; il n'était pas poli de m'en avouer l'auteur, et ne voulais pas le nier. Je trouvai donc à propos de laisser la chose indécise. « Monsieur de « Voltaire, répondis-je sans hésiter, je suis surpris que vous, qui trouvez souvent <( mauvais que le public vous impute des écrits auxquels vous n'avez pas mis (1 votre nom, m'accusiez d'avoir fait un ouvrage qui n'est pas autorisé du mien. « — Ah! monsieur, il y a des accusations vraies; il y a des accusations fausses! » Je lui répliquai qu'il restait toujours à savoir dans quel rang devrait se placer

28. — Mélanges. VIL 30

�� �