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462 LETTRES DE MEMMIUS

qu'on te fît, sera toujours entendue d'un ])out de l'univers à l'autre.

Tous les prêtres de toutes les religions sont forcés eux-mêmes d'admettre cette maxime, et l'infâme Calclias, en assassinant la fille de son roi sur l'autel, disait : « C'est pour un plus grand bien que je commets ce parricide. »

Toute la terre reconnaît donc la nécessité de la vertu. D'où vient cette unanimité, sinon de l'intelligence suprême, sinon du grand Demiourgos, qui, ne pouvant empêcher le mal, y a porté ce remède éternel et universel?

��XXI. — Si l'on doit espérer que les Romains deviendront plus vertueux.

Nous sommes trop riches, ti'op puissants, trop ambitieux, pour que la république romaine puisse renaître. Je suis persuadé qu'après César, il y aura des temps encore plus funestes. Les Romains, après avoir été les tyrans des nations, auront toujours des tyrans; mais quand le pouvoir monarchique sera affermi, il faudra bien parmi ces tyrans qu'il se trouve quelques bons maîtres. Si le peuple est façonné à l'obéissance, ils n'auront point d'intérêt d'être méchants, et s'ils lisent vos ouvrages, ils seront vertueux. Je me console par cette espérance de tous les maux que j'ai vus, et de tous ceux que je prévois.

XXII. — Si la religion des Romains subsistera.

Il y a tant de sectes, tant de religions dans l'empire romain, qu'il est probable qu'une d'elles l'emportera un jour sur toutes les autres. Quoique nous ayons un Jupiter, maître des dieux et des hommes, que nous appelons le trcs-puissant et le très-bon, cependant Homère et d'autres poètes lui ont attribué tant de sottises, et le peuple a tant de dieux ridicules, que ceux qui pro- poseront un seul Dieu pourront bien à la longue chasser tous les nôtres. Qu'on me donne un platonicien enthousiaste, et qui soit épris de la gloire d'être chef de parti : je ne désespère pas qu'il réussisse.

J'ai vu dans le voisinage d'Alexandrie, au-dessous du lac Mœris, une secte qui prend le nom de Thérapeutes; ils se prétendent tous inspirés, ils ont des visions, ils jeûnent, ils prient. Leur enthousiasme va jusqu'à mépriser les tourments et la mort. Si

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