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A CICERON. 461

repoussé cette voix, Caton, Atticus, .Alarcellus, Cotta, Balbus, et vous, vous lui avez été dociles.

La connaissance de la vertu restera toujours sur la terre, soit pour nous consoler quand nous l'embrasserons, soit pour nous accuser quand nous violerons ses lois.

Je vous ai dit souventS à Cotta et à vous, que ce qui me frappait le plus d'admiration dans toute l'antiquité, était la maxime de Zoroastre : « Dans le doute si une action est juste ou injuste, abstiens-toi. »

Voilà la règle de tous les gens de bien ; voilà le principe de toute la morale. Ce principe est l'àme de votre excellent livre des Offices. On n'écrira jamais rien de plus sage, de plus vrai, de plus utile. Désormais ceux qui auront l'ambition d'instruire les hommes, et de leur donner des préceptes, seront des charlatans s'ils veulent s'élever au-dessus de vous, ou seront tous vos imi- tateurs.

��XX. — Que, malgré tous nos crimes, les principes de la vertu sont dans le cœur de l'homme.

Ces préceptes de la vertu que vous avez enseignés avec tant d'éloquence, grand Cicéron, sont tellement gravés dans le cœur liumain par les mains de la nature que les prêtres même d'Egypte, de Syrie, de Chaldée, de Phrygie, et les nôtres, n'ont pu les eilacer. En vain ceux d'Egypte ont consacré des croco- diles, des boucs et des chats, et ont sacrifié à leur ignorance, à leur ambition et à leur avarice ; en vain les Chaldéens ont eu l'ab- surde insolence de lire l'avenir dans les étoiles ; en vain tous les Syriens ont abruti la nature humaine par leurs détestables super- stitions : les principes de la morale sont restés inébranlables au milieu de tant d'horreurs et de démences. Les prêtres grecs eurent beau sacrifier Iphigénie pour avoir du vent ; les prêtres de toutes les nations connues ont eu beau immoler des hommes, et c'est en vain que nous-mêmes, nous Romains, qui nous répu- tions sages, nous avons sacrifié depuis peu deux Grecs et deux Gaulois pour expier le crime prétendu d'une vestale : malgré les efl"orts de tant de prêtres pour changer tous les hommes en brutes féroces, les lois portées par l'intelligence souveraine de la nature, partout violées, n'ont été abrogées nulle part. La voix qui dit à tous les hommes : Ne fais point ce que tu ne voudrais pas

1. C'est ici Voltaire qui parle; voyez la note, tome XXI, page 570.

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