Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/467

Cette page n’a pas encore été corrigée

A CICÉRON. 457

dieu s'il veut, à la bonne heure : Antoine et Nicomède seront ses grands prêtres ; Cléopâtre sera sa grande prêtresse. Je ne prétends point à un tel honneur,

// n'y a point d'âme. Ce système, le plus hardi, le plus éton- nant de tous, est au fond le plus simple. Une tulipe, une rose, ces chefs-d'œuvre de la nature dans les jardins, sont produites par une mécanique incompréhensible, et n'ont point d'îime. Le mouvement qui fait tout n'est point une âme, un être pensant. Les insectes qui ont la vie ne nous paraissent point doués de cet être pensant qu'on appelle âme. On admet volontiers dans les animaux un instinct ([u'on ne comprend point, et nous leur refu- sons une àme que l'on comprend encore moins. Encore un pas, et l'homme sera sans âme.

Que mettrons-nous donc à la place? Du mouvement, des sen- sations, des idées, des volontés, etc., dans chacun de nos indi- vidus. Et d'où viendront ces sensations, ces idées, ces volontés, dans un corps organisé ? Elles viendront de ses organes ; elles seront dues à l'intelligence suprême qui anime toute la nature : cette intelligence aura donné à tous les animaux bien organisés des facultés qu'on aura nommées âme; et nous avons la puis- sance de penser sans être âme, comme nous avons la puissance d'opérer des mouvements sans que nous soyons mouvement.

Qui sait si ce système n'est pas plus respectueux pour la Divi- nité qu'aucun autre? Il semble qu'il n'en est point qui nous mette plus sous la main de Dieu. J'ai peur, je l'avoue, que ce système ne fasse de l'homme une pure machine. Examinons cette der- nière hypothèse, et délions-nous d'elle comme de toutes les autres.

XV. — Examen si ce qu'on appelle âme n'est pas une facuUé qu'on a prise pour une substance.

J'ai le don de la parole et de l'intonation,' de sorte que j'arti- cule et que je chante ; mais je n'ai point d'être en moi qui soit articulation et chant. N'est-il pas bien probable qu'ayant des sen- sations et des pensées, je n'ai point en moi un être caché qui soit à la fois sensation et pensée, ou pensée sentante nommée âme ?

Nous marchons par les pieds, nous prenons par les mains, nous pensons, nous voulons par la tête. Je suis entièrement ici pour Épicure et pour Lucrèce, et je regarde son troisième livre comme le chef-d'œuvre de la sagacité éloquente. Je doute qu'on puisse jamais dire rien d'aussi beau ni d'aussi vraisemblable.

�� �