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440 LETTRES DE MEMMIUS

brachmanes, en comparaison d'eux, sont des dieux bienfaisants.

Je sais bien bon gré à Pompée d'avoir daigné, le premier des Romains, entrer par la brèche dans ce temple de Jérusalem, qui était une citadelle assez forte; et je sais encore plus de gré au dernier des Scipions d'avoir fait pendre leur roitelet, qui avait osé prendre le nom d'Alexandre.

Vous avez gouverné la Cilicie, dont les frontières touchent presque à la Palestine; vous avez été témoin des barbaries et des superstitions de ce peuple ; vous l'avez bien caractérisé dans votre belle Oraison pour Flaccus. Tous les autres peuples ont commis des crimes; les Juifs sont les seuls qui s'en soient vantés. Ils sont tous nés avec la rage du fanatisme dans le cœur, comme les Bretons et les Germains naissent avec des cheveux blonds. Je ne serais point étonné que cette nation ne fût un jour funeste au genre humain.

Louez donc avec moi notre Lucrèce d'avoir porté tant de coups mortels à la superstition. S'il s'en était tenu là, toutes les nations devraient venir aux portes de Rome couronner de fleurs son tombeau.

                     LETTRE TROISIEME. 

J'entre en matière tout d'un coup cette fois-ci, et je dis, malgré Lucrèce et Épicure, non pas qu'il y a des dieux, mais qu'il existe un Dieu. Bien des philosophes me siffleront, ils m'appelleront esprit faible 1; mais comme je leur pardonne leur témérité, je les supplie de me pardonner ma faiblesse.

Je suis du sentiment de Balbus dans votre excellent ouvrage de la Nature des dieux. La terre, les astres, les végétaux, les animaux, tout m'annonce une intelligence productrice.

Je dis avec Platon (sans adopter ses autres principes) : Tu crois que j'ai de l'intelligence, parce que tu vois de l'ordre dans mes actions, des rapports, et une fin; il y en a mille fois plus dans l'arrangement de ce monde : juge donc que ce monde est arrangé par une intelligence suprême.

On n'a jamais répondu à cet argument que par des suppositions puériles ; personne n'a jamais été assez absurde pour nier que la sphère d'Archimède et celle de Posidonius soient des ouvrages de grands mathématiciens : elles ne sont cependant

1. Diderot donnait ce nom à Voltaire.