niquer, la constance attendrissante de Montbailli dans les tourments de la question, rien ne put fléchir les juges ; et, malgré les conclusions d’un procureur général très-éclairé, ils prononcèrent leur arrêt.
Montbailli fut renvoyé à Saint-Omer pour y subir cet arrêt, prononcé le 9 novembre 1770 ; il fut exécuté le 19 du même mois.
Montbailli, conduit à la porte de l’église, demande en pleurant pardon à Dieu de toutes ses fautes passées, et il jure à Dieu « qu’il est innocent du crime qu’on lui impute ». On lui coupe la main ; il dit : « Cette main n’est point coupable d’un parricide. » Il répète ce serment sous les coups qui brisent ses os ; prêt d’expirer sur la roue, il dit à son confesseur : « Pourquoi voulez-vous me forcer à faire un mensonge ? En prenez-vous sur vous le crime ? »
Tous les habitants de Saint-Omer, témoins de sa mort, lui donnent des larmes : non pas de ces larmes que la pitié arrache au peuple pour les criminels même dont il a demandé le supplice ; mais celles que la conviction de son innocence a fait répandre longtemps dans cette ville.
Tous les magistrats de Saint-Omer ont été et sont encore convaincus[1] que ces infortunés n’étaient point coupables.
La femme de Montbailli, qui était enceinte, est restée dans son cachot d’Arras pour être exécutée à son tour quand elle aurait mis son enfant au monde : c’était être à la potence pendant six mois sous la main d’un bourreau, en attendant le dernier moment de ce long supplice. Quel état pour une innocente ! elle en a perdu l’usage des sens, et sa raison a été aliénée : elle serait heureuse d’avoir perdu la vie ; mais elle est mère ; elle a deux enfants, l’un qui sort du berceau, l’autre à la mamelle. Son père et sa mère, presque aussi à plaindre qu’elle, ont profité du temps qui s’est écoulé entre son arrêt et ses couches pour demander un sursis[2] à M. le chancelier[3] : il a été accordé. Ils demandent
- ↑ En 1774, dans les Questions sur l’Encyclopédie, il y avait : « ... convaincus de l’iniquité de cet arrêt. » La version actuelle est de 1771.
- ↑ Dans les Questions sur l’ Encyclopédie, en 1774, on lisait : ... « à M. le chancelier.
« Ce chef de la magistrature fit revoir le procès par un nouveau conseil d’Arras ; et ce conseil, d’une voix unanime, déclara Montbailli et sa femme innocents. Mais pourquoi ne pas condamner l’ancien conseil à nourrir du moins la veuve et les enfants de l’innocent que ces juges avaient assassiné en public à coups de barre de fer ?
« La France se flatte, etc. »
La version actuelle est de 1771.
- ↑ Maupeou.