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DISCOURS

cette occasion ? Combien n’est-il pas plus conforme à la nature de Dieu de sauver un coupable avec mille innocents que de perdre un coupable en perdant mille innocents ? Le Créateur du ciel et de la terre se livre à de si grands excès de colère qu’il a voulu plusieurs fois détruire entièrement la nation des Juifs, cette nation qui lui était si chère. Si la violence d’un génie, si celle d’un simple héros peut être funeste à tant de villes, qu’arriverait-il donc aux démons, aux anges, à tous les hommes, sous un Dieu aussi violent et aussi jaloux que celui de Moïse ?

Comparons maintenant non Moïse, mais le dieu de Moïse, à Lycurgue, qui fut un législateur sage ; à Solon, qui fut doux et clément ; aux Romains, qui usèrent de tant de bonté et de tant d’équité envers les criminels.

Apprenez, Galiléens, combien nos lois et nos mœurs sont préférables aux vôtres. Nos législateurs et nos philosophes nous ordonnent d’imiter les dieux autant que nous pouvons ; ils nous prescrivent, pour parvenir à cette imitation, de contempler et d’étudier la nature des choses. C’est dans la contemplation, dans le recueillement, et les réflexions de l’âme sur elle-même, que l’on peut acquérir les vertus qui nous approchent des dieux, et nous rendent, pour ainsi dire, semblables à eux. Mais qu’apprend chez les Hébreux l’imitation de leur dieu ? Elle enseigne aux hommes à se livrer à la fureur, à la colère, et à la jalousie la plus cruelle. « Phinées[1] dit le dieu des Hébreux, a apaisé ma fureur, parce qu’il a été animé de mon zèle contre les enfants d’Israël. » Ainsi le Dieu des Hébreux cesse d’être en colère s’il trouve quelqu’un qui partage son indignation et son chagrin. Moïse parle de cette manière en plusieurs endroits de ses écrits.

Nous pouvons prouver évidemment que l’Être suprême ne s’en est pas tenu à prendre soin des Hébreux, mais que sa bonté et sa providence se sont étendues sur toutes les autres nations ; elles ont même reçu plus de grâces que les Juifs. Les Égyptiens ont eu beaucoup de sages qui ont fleuri chez eux, et dont les noms sont connus. Plusieurs de ces sages ont succédé à Hermès ; je parle de cet Hermès, qui fut le troisième de ce nom qui vint en Égypte. Il y a eu chez les Chaldéens et chez les Assyriens un grand nombre de philosophes depuis Annus[2] et Bélus ; et chez


    plaie fut arrêtée, et il y en eut vingt-quatre mille qui moururent de cette plaie. Nombres, chap, xxv, v. 6 et suiv. (Note de Voltaire.)

  1. Nombres, xxv, 11.
  2. Il est à souhaiter que Julien nous eût dit quels étaient cet Hermès, cet Annus, et ce Bélus, Hermès n’est point un nom égyptien ; Annus et Bélus ne sont