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386 RÉPONSE AUX REMONTRANCES

aucune des remontrances. On dit seulement en passant que ceux qui ont accepté des charges dans les conseils souverains nouvel- lement établis se déshonorent.

Non, je ne suis point déshonoré pour avoir étudié les lois de ma patrie, pour avoir mérité peut-être d'être choisi pour juge par mon roi, qui sera le juge de nos arrêts.

Je ne suis ni un lâche, ni un prévaricateur, pour être utile à ma province.

J'espère que la loi seule, et non l'esprit du corps, dictera tou- jours mes avis; qu'il ne sortira jamais de notre tribunal aucun arrêt qu'il ne soit motivé; que, dans tous les cas où la moindre lueur pourra frapper nos yeux en faveur d'un accusé, l'indulgence l'emportera sur la rigueur; que, lorsque la loi ne sera pas claire, nous consulterons les organes des lois qui résident auprès du trône dont elles sont émanées.

J'espère que le roi, seul législateur en Franco, donnera des règles suivant lesquelles nous ne livrerons point aux horreurs de la torture (supplice pire que la mort) des hommes qui sont nos frères, et qui peuvent être innocents.

Je me flatte qu'il nous apprendra à distinguer entre les délits ceux qui, n'étant que l'effet d'une imagination faible et égarée, peuvent se réprimer par une punition légère, et ceux qui, partant d'un cœur atroce et incorrigible, exigent les châtiments les plus sévères, non pas pour la vengeance, mais pour l'utilité publique.

Nous saurons mettre quelque différence entre ce qui est crime chez toutes les nations, et ce qui, étant crime dans un pays, est presque vertu dans un autres

La vaine idée d'obtenir plus de considération ne nous inspi- rera point, hors de nos tribunaux, une morgue qu'on pourrait prendre pour de l'insolence; nous ne nous ferons point une bar- bare joie d'être cruels pour nous faire respecter.

Nous n'entendrons point autour de nous, dans les places pu- bliques, ces mots terribles : « Voilà celui qui a le premier donné sa voix pour verser le sang innocent; voilà le barbare qui ameuta ses confrères pour livrer au supphce des parricides mon ami, mon parent, mon fils, coupable d'une faute passagère ^ » Les

��1. Dans rédition du chancelier, il y a : « ... un autre. Les juges qui ne pro- portionnent pas les peines aux délits respecteraient trop peu la vie des hommes, ne seraient à nos jeux que des assassins en robe. Nous pi-étendrons être toujours justes, etc. »

2. Voltaire veut rappeler le supplice du chevalier de La Barre ; voyez tome XXV, page 503.

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