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360 AU ROI EN SON CONSEIL.

Oui, la prescription peut avoir lieu en un seul cas : lorsqu'on présume que la mainmorte a été établie par les seigneurs, par l'autorité des lois, par lettres patentes du souverain, en vertu des concessions faites par ces seigneurs mêmes, à condition de rendre les habitants mainmortables. Mais ici c'est tout le con- traire. C'est vous qui nous avez vendu notre terrain ; c'est vous qui voulez l'asservir après l'avoir vendu. Nulle présomption que contre vous, nulle probabilité que contre vous.

Enfin la grande maxime de droit vous condamne : « Mal^ FiDEi possEssoR NULLO TEMPORE pra:scribere potest ; possesscur de mauvaise foi ne peut prescrire. » C'est même la maxime de votre droit canon. Ainsi votre cause est réprouvée de Dieu et des hommes. Les moines de Saint-Claude ne pourraient rien répon- dre à ces raisons tirées de la nature et de la loi : les chanoines, successeurs des moines, n'ont rien à répondre.

Vous nous opposez encore que vous avez lajustice et les dîmes dans cette terre que nous habitons. Vous dites que cette justice et ces dîmes vous furent revendues par un autre La Baume (Pierre), cardinal, archevêque de Besançon, évêque de GenèveS et abbé de Saint-Claude, le 2/j mars 1518; et c'est ce titre même qui achève de vous confondre. Il vous vendit les dîmes et la justice, que nous ne réclamons point ; mais il ne vous vendit pas notre liberté, que nous réclamons. Il n'y a pas un mot de servitude, de mainmorte, dans cet acte de vente. Quel est donc votre titre? La cupidité, l'avarice, l'usurpation, la fraude des moines, notre igno- rance. Vous nous avez traités en bêtes, parce qu'il y avait parmi vous quelques clercs qui savaient lire et écrire, et que nous nous bornions à cultiver la terre qui vous nourrit. N'opposez plus aux droits du genre humain le droit iVAttila et de la loi Gombette.

Que le descendant de saint Louis juge entre nous, qui sommes ses sujets, et vous, qui nous tyrannisez.

Après avoir ainsi parlé aux moines, nous supplions encore une fois les chanoines de faire une action digne de leur noblesse, de se joindre à nous, et de demander eux-mêmes au roi la sup- pression d'une vexation contraire à la nature, aux droits du roi, au commerce, au bien de l'État, et surtout au christianisme.

Signé : La.my, Chaplis, et Paget,

procureurs spéciaux. 1. Voyez tome XXIV, page 415.

FIX DE LA REQUÊTE AU ROI EX SON COXSEIL,

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