Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/365

Cette page n’a pas encore été corrigée

EN SON CONSEIL. 335

Ils avaient longtemps étouffé notre voix; mais le roi, plus clément qu'ils n'ont été cruels, nous permet enfin de parler.

Avant le règne du duc Philippe le Bon, l'abbé de Saint-Oyan, dit Saint-Claude, avait déjà eu l'audace de s'emparer de tous les droits régaliens sans autre titre que celui de la cupidité effrénée de ces temps-là. Il dominait en souverain sur plus de cent vil- lages ; il faisait battre monnaie ; il osait donner des lettres de noblesse; il faisait juger les procès de ses vassaux par ses moines.

Qu'il nous soit permis, avant d'entrer en matière, de deman- der s'il est rien de plus attentatoire à l'autorité divine et humaine, et si ces prétendus droits n'étaient pas des crimes de lèse-majesté.

Philippe le Bon, par des lettres patentes datées de Lille en Flandre, le U mars 1436, se contenta de réprimer l'usurpation par laquelle ces moines faisaient battre monnaie, donnaient des sauf- conduits, et jugeaient en dernier ressort. Il se contenta d'abolir ces abus, parce que ceux-là seuls lui furent déférés ; la mainmorte n'était pas encore établie.

Pour se dédommager de la perte des droits qu'ils s'étaient arrogés, ils se vengèrent avec le temps sur les habitants ; et, n'ayant plus le droit de faire frapper de l'argent à leur coin, ils se donnèrent le droit de prendre, autant qu'ils le purent, tout l'argent des cultivateurs,

L'Inquisition ayant pénétré jusque dans ce pays sauvage, la rapine devint sacrée. Le pâtre, le laboureur, l'artisan, le mar- chand, craignirent les flammes dans ce monde-ci et dans l'autre, s'ils ne portaient pas aux pieds des moines tout le fruit de leurs travaux.

MAINMORTE ÉTABLIE DANS LES VILLAGES PLAIGNANTS'.

Peu à peu les communautés qui réclament aujourd'hui la justice du roi se trouvèrent esclaves en trois manières, et cela sans aucun titre :

Esclavage de la personne ;

Esclavage des biens ;

Esclavage de la personne et des biens.

- L'esclavage de la personne consiste dans l'incapacité de dis- poser de ses biens en faveur de ses enfants, s'ils n'ont pas tou-

1. Voyez tome XV, page 427.

2. Cet alinéa, ainsi que les trois petites phrases qui le précèdent et les deux alinéas qui le suivent, furent aussi imprimés dans les Questions sur l'Encyclo- pédie ; voyez tome XVII, page 593.

�� �