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354 AU ROI

sécularisés en 17/i2. Ils n'ont d'autre droit pour réduire en escla- vage les sujets du roi, habitant au Mont-Jura vers Saint-Claude, que l'usage établi par les moines, leurs prédécesseurs, de ravir aux hommes la liberté naturelle. En vain Dieu la leur a donnée; en vain les ducs de Bourgogne et les rois de France, les Chartres, lesédits^ d'accord avec la loi de la nature, ont arraché ces in- fortunés à la servitude.

Des enfants de saint Benoît se sont obstinés à les traiter comme des esclaves qu'ils auraient pris à la guerre, ou qui leur auraient été vendus par des pirates. Nous respectons le chapitre de Saint- Claude, mais nous ne pouvons respecter l'injustice des religieux auxquels ils ont succédé. Nous sommes forcés de plaider contre des gentilshommes de mérite, en réclamant nos droits contre des moines iniques. Le chapitre de Saint-Claude doit nous par- donner de nous défendre.

Si les prêtres contre lesquels nous réclamons la justice de Dieu et celle du roi avaient le moindre titre, nous gémirions en silence dans les fers dont ils nous chargent; nous attendrions qu'un gouvernement si éclairé eût aboli des lois établies par la rapine dans des temps de barbarie; nous nous contenterions de soupirer, avec la France, après les jours si longtemps désirés où le conseil se souviendra que nous sommes nés hommes; que les moines bénédictins, hommes comme nous, n'ont été institués par saint Benoit que pour labourer comme nous la terre, et pour lever au ciel des mains exercées par les travaux champêtres. Le conseil verra bien sans nous que leurs vœux faits au pied des autels n'ont jamais été d'être princes; que nous ne devons nos biens, nos sueurs, notre sang qu'au roi, et non à eux. Aussi nous ne plaidons pas ici contre l'esclavage de la mainmorte; nous plaidons contre la fraude qui nous suppose mainmortables. Nous montrons les titres mêmes de nos oppresseurs, pour démontrer qu'ils n'ont eu nul prétexte de nous opprimer, et qu'ils n'ont transmis au chapitre de Saint-Claude qu'une prétention vicieuse dans tous ses points.

1, Édils de l'abbé Suger, régent du royaume, de l'an 1141; de Louis X, de 1315; de Henri II, de 1553. Ordonnances du Louvre, tome I, page 183.

Le roi de Sardaigne a affranchi les serfs du duché de Savoie par un édit du 20 janvier 1762. Dans les derniers états généraux tenus à Paris en 1515, le tiers état supplia le roi de faire exécuter les anciennes lois contre la servitude de la glèbe. {État de la monarchie, par l'abbé Dubos, tome III, page 298.)

On trouve, dans les Arrêtés du premier jirésident de Lamoignon, le projet d'un règlement pour l'abolition de toutes les mainmortes personnelles et réelles. {Note de Voltaire.)

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