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AU ROI


EN SON CONSEIL
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AVERTISSEMENT
DES ÉDITEURS DE L'ÉDITION DE KEHL.


Nous avons cru devoir placer quelques réflexions sur l'esclavage de la glèbe, à la tête de ces ouvrages [1] que le spectacle de l'avilissement où les moines de Saint-Claude retenaient leurs serfs a inspirés à l'âme sensible et généreuse de M. de Voltaire.

Les droits de mainmorte dont jouissent les seigneurs ne peuvent être regardés que comme des conditions auxquelles les terres des mainmortables leur ont été anciennement cédées, ou comme des impôts mis sur eux par ces seigneurs dans le temps où ils exerçaient une partie de la souveraineté. Dans le premier cas, le souverain a le droit d'abolir la mainmorte, c'est-à-dire d'obliger les seigneurs à recevoir de leurs vassaux un dédommagement égal à la valeur des droits dont ils jouissent. En effet, toute convention dont l'exécution est d'une durée perpétuelle doit être soumise, comme nous l'avons dit ailleurs [2], à la puissance législative, qui peut en changer la forme, en conservant à chacun les droits réels qui résultent de la convention. Si les droits de mainmorte représentent d'anciens impôts, il est clair que le souverain qui a réuni dans sa personne tous les droits dont les seigneurs ont joui n'a pu leur céder ces impôts d'une manière perpétuelle et irrévocable quant à la forme, et qu'il est resté le maître de la changer, et par conséquent de détruire ces impôts en dédommageant les cessionnaires du revenu qu'ils en tiraient, puisque cette jouissance pécuniaire est la seule chose qu'il ait pu leur céder.

L'abolition des droits de mainmorte est donc légitime, pourvu que l'on en dédommage les propriétaires. Mais ce dédommagement exige deux condi-


  1. Les éditeurs de Kehl avaient réuni, dans un des volumes intitulés Politique et Législation, les divers écrits de Voltaire pour les habitants du Mont-Jura et du pays de Gex ; voyez, sur les écrits pour les habitants du Jura, la note 3 de la page 353, et sur les écrits pour les habitants du pays de Gex, une des notes sur la pièce intitulée Au roi en son conseil (juillet 1774).
  2. Voyez tome XV, page 428.