Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/356

Cette page n’a pas encore été corrigée
346
REQUÊTE

Ce ne fut point l'Église qui ordonna le repos le dimanche : on nous assure que ce fut Constantin Ier qui, par son édit de 321, ordonna que le jour du soleil, appelé depuis parmi nous dimanche, fût consacré au repos ; mais par ce même édit il permit les travaux des laboureurs.

D'où vient que cette institution salutaire est changée ? Pourquoi une multitude de fêtes consacre-t-elle à l'oisiveté et à la débauche des jours entiers, où la terre accuse nos mains qu'elles la négligent ? Quoi ! il sera permis dans les grandes villes, le jour de la Purification, de la Visitation, de saint Mathias, de saint Simon et saint Jude, et de saint Jean le Baptiseur, d'aller en foule à l'Opéra-Comique, et d'y entendre des plaisanteries qui ne s'éloignent de l'obscénité que par le ménagement de l'expression ; et il ne nous sera pas permis à nous, les nourriciers du genre humain, d'exercer une profession ordonnée par Dieu même ! Le jeu sera permis dans toutes les maisons, et le maniement de la charrue, l'ensemencement de la terre, seront des crimes dans les campagnes !

On nous répond que notre curé peut nous permettre ce saint, ce divin travail, quand il le juge à propos. Ah ! sages magistrats, toujours de l'arbitraire ! Et si ce curé est riche, et dédaigne les représentations du pauvre ; s'il est en procès contre ses paroissiens, comme il n'arrive que trop souvent : voilà donc l'espérance de l'année perdue !

Ou la culture des terres est un mal, ou elle est un bien. Si elle est un mal, nul pouvoir n'a le droit de la permettre ; si elle est un bien, nul pouvoir n'a le droit de la défendre. Mais, dira-t-on, elle est une bonne œuvre le jour d'un saint qu'on ne fête pas ; elle est criminelle le jour d'un saint qu'on fête. Nous ne comprenons pas cette distinction. Nous vous supplions simplement d'examiner si l'agriculture doit dépendre du sacerdoce ou de la grande police ; si c'est aux juges qui sont sur les lieux à examiner quand la culture est en péril, quand les blés exigent la promptitude de nos soins, ou bien si cette décision appartient à l'évêque renfermé dans son palais.

Ministres du Seigneur, exhortez à la piété ; magistrats, encouragez le travail, qui est le gardien de la vertu. Vingt fêtes de trop dans le royaume condamnent à l'oisiveté et exposent à la débauche, vingt fois par an, dix millions d'ouvriers de toute espèce, qui feraient chacun pour dix sous d'ouvrage : c'est la valeur de cent millions de nos livres perdus à jamais pour l'État par chaque année. Cette triste vérité est démontrée, et la prodi-