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REQUÊTE


A TOUS LES MAGISTRATS DU ROYAUME


COMPOSÉE PAR TROIS AVOCATS D'UN PARLEMENT [1].


(1770)
___________


La portion la plus utile du genre humain, celle qui vous nourrit, crie du sein de la misère à ses protecteurs :

Vous connaissez les vexations qui nous arrachent si souvent le pain que nous préparons pour nos oppresseurs mêmes. La rapacité des préposés à nos malheurs n'est pas ignorée de vous. Vous avez tenté plus d'une fois de soulager le poids qui nous accable, et vous n'entendez de nous que des bénédictions, quoique étouffées par nos sanglots et par nos larmes.

Nous payons les impôts sans murmure, taille, taillon, capitation, double vingtième, ustensiles, droits de toute espèce, impôts sur tout ce qui sert à nos chétifs habillements, et enfin la dime à nos curés de tout ce que la terre accorde à nos travaux, sans qu'ils entrent en rien dans nos frais [2]. Ainsi, au bout de l'année, tout le fruit de nos peines est anéanti pour nous. Si nous avons un moment de relâche, on nous traîne aux corvées à deux ou trois lieues de nos habitations, nous, nos femmes, nos enfants, nos bêtes de labourage également épuisées et quelquefois mourant pêle-mêle de lassitude sur la route. Encore si on ne nous forçait à cette dure surcharge que dans les temps de désœuvre-


  1. Les Mémoires secrets parlent de cette Requête à la date du 19 janvier 1770. Il est donc à croire qu'elle est de décembre 1769 ou janvier 1770. (B.)
  2. Dans tous les États de la Russie, pays de douze cent mille lieues carrées, et dans presque tous les pays protestants, les curés sont payés du trésor public. (Note de Voltaire.)