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DE LOUIS XIV.

par arrêter les abus et les pillages, qui étaient énormes. La recette fut simplifiée autant qu'il était possible, et, par une économie qui tient du prodige, il augmenta le trésor du roi en diminuant les tailles. On voit, par l'édit mémorable de 1664, qu'il y avait tous les ans un million de ce temps-là destiné à l'encouragement des manufactures et du commerce maritime. Il négligea si peu les campagnes, abandonnées jusqu'à lui à la rapacité des traitants, que des négociants anglais s'étant adressés à M. Colbert de Croissy, son frère, ambassadeur à Londres, pour fournir en France des bestiaux d'Irlande et des salaisons pour les colonies, en 1667, le contrôleur général répondit que, « depuis quatre ans, on en avait à revendre aux étrangers ».

M. de Forbonnais, qui a fourni de si grandes lumières sur les finances de la France [1], cite le même fait, et il est lui-même trop estimable pour ne pas estimer un Colbert.

Dans le dictionnaire de l'Encyclopédie, à l'article VINGTIÈME, page 87, tome XVII, il est dit que « ce ministre préféra la gloire d'être, pour tous les peuples, un modèle de futilités, et de les surpasser dans tous les arts d'ostentation, à l'avantage plus solide, et toujours sûr, de pourvoir à leurs besoins naturels ».

Il est dit « qu'il n'avait pas les matières premières, qu'il en provoqua l'importation de toutes ses forces, et prohiba l'exportation de celles du pays ».

J'aimais l'auteur de cet article [2] , mais j'aime encore plus la vérité. Je suis obligé de dire qu'il s'est trompé en tout. Le ministre qu'il condamne était si loin de négliger l'agriculture que, dans son mémoire présenté au roi le 22 octobre 1664, il s'exprime en ces mots : « Les principaux objets sont l'agriculture, la marchandise, la guerre de terre et celle de mer. » Ce mémoire est public aujourd'hui.

Il est encore très-faux qu'il n'eût point de matières premières, car il se les donna. Il établit dans les ports, pour le service de la marine, les manufactures et les magasins de tout ce qu'on achetait avant lui chez les Hollandais. Il eut aussi la matière première de la soie en pressant les plantations des mûriers. Je sais par expérience de quelle prodigieuse utilité est cette entreprise : l'auteur de l'article VINGTIÈME ne le savait pas ; et je suis en droit de rendre témoignage en ce point à la sagesse du ministre.

  1. Recherches et Considérations sur les finances de France, 1756, six volumes in-12 ou deux volumes in-4o.
  2. Damilaville, mort le 13 décembre 1768, à quarante-sept ans.