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DE LOUIS XIV.

fables charmantes de La Fontaine, quelques opéras de Quinault, qu'on n'a jamais pu égaler, et surtout ce génie à la fois comique et philosophe, cet homme qui en son genre est au-dessus de toute l'antiquité, ce Molière dont le trône est vacant [1].

En relisant les prosateurs, je mets hardiment la Défense de l'infortuné Fouquet par le généreux Pellisson à côté des plus beaux discours de l'orateur romain. J'admire d'autant plus quelques oraisons funèbres du sublime Bossuet qu'elles n'ont point eu de modèle dans l'antiquité. Qui ne chérira l'auteur humain et tendre de Télémaque ? Qui ne sentira le mérite unique des Provinciales ? Quel homme du monde n'aimera les sermons de Massillon, et quel art a-t-il fallu pour les faire aimer ? Ils durent, ces chefs-d'œuvre ; ils dureront autant que la France. Nous avons aujourd'hui du galimatias à deux colonnes [2] contre un chapitre de Bélisaire, et des mandements composés par le R. P. Patouillet [3].

Si l'on veut des recherches historiques, trouvera-t-on quelque chose de plus savant et de plus profond que les ouvrages de Ducange [4] ?

S'il est question de mathématiques, avons-nous en France beaucoup de mathématiciens qui aient été inventeurs comme Descartes en géométrie ? Et, malgré les chimères absurdes de toute sa physique, ne mérite-t-il pas le bel éloge qu'en a fait M. Thomas, couronné par l'Académie française et par le public ?

Nous avons aujourd'hui de bons ouvrages philosophiques ; mais en est-il beaucoup qui l'emportent sur le Traité des erreurs des sens et de l'imagination par Malebranche, excellent commencement d'un système qui finit trop mal ?

On nous a donné depuis peu de beaux morceaux d'histoire ; mais on mettra toujours à côté de Salluste la Conspiration de Venise par l'abbé de Saint-Réal. L'Histoire des Oracles de Fontenelle (persécuté d'une manière si infâme par les jésuites [5]) ne rendit-elle pas de grands services à l'esprit humain ? Et si vous faites grâce aux tourbillons de Descartes, qui sont malheureusement la base de la Pluralité des mondes, si vous ôtez quelques plaisanteries dé-

  1. Expression pittoresque et vraie de M. Chamfort, dans le discours justement couronné par l'Académie. Quand on emploie une expression neuve et de génie, ce que Boileau appelait un mot trouvé, il faut citer l'inventeur. Ce siècle-ci a de beaux côtés, mais il est un peu le siècle des plagiaires. (Note de Voltaire.) .
  2. Les éditions in-4o et in-8o de la Censure de la faculté de théologie de Paris contre le livre intitulé « Bélisaire » sont en latin et en français, et à deux colonnes.
  3. Voyez tome XXVI, page 155.
  4. Voyez tome XIV, page 67.
  5. Voyez tome XIV, page 74 ; XX, 199 ; XXVI, 119.