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DÉFENSE

séquent devenu plus sain, qui contient déjà plus de sept cents habitants[1] tous utilement occupés.

Un petit terrain, pire que le plus mauvais de la Champagne, qu’on nomme si indignement pouilleuse, a rapporté des récoltes, et on a eu[2] dix pour un, toutes les années, d’un champ qui ne rapportait que trois, et encore de deux ans en deux ans.

Je n’ai rien écrit sur l’agriculture, parce que je n’aurais jamais rien pu faire qui eût mieux valu que les Éphémérides. Je me suis borné à exécuter ce que les estimables auteurs de cet ouvrage ont recommandé, et ce que M. de Saint-Lambert a chanté avec tant d’énergie et de grâce[3]. Mais j’ai été un peu affligé de voir quelquefois le beau siècle de Louis XIV, le siècle des talents en tout genre, dénigré dans plusieurs livres nouveaux, et même dans ces Éphémérides, à qui je dois tant d’instructions. Voici comme on en parle dans un endroit.

« C’était un empire entièrement énervé par des efforts excessifs, mal entendus, malheureux, et surtout par les suites du régime fiscal le plus dur, le plus impérieux, le plus méthodiquement inconsidéré, le plus réglementaire, qui ait jamais existé. Ces deux inventions terribles, dis-je, ne sont pas l’héritage le moins funeste que nous ait laissé ce siècle tant vanté et si désastreux. »

Voici comme on s’explique au commencement d’un autre chapitre[4].

« La gloire de ce grand siècle, si cher à nos beaux esprits, était passée comme les étoupes qu’on brûle devant le pape à son exaltation. »

Je vais d’abord répondre à cette ironie. Je parlerai ensuite du règne funeste et désastreux.

Oui, sans doute, ce siècle doit être cher à tous les amateurs des beaux-arts, à tous ceux que vous appelez beaux esprits ; oui, je me regarderai comme un barbare, comme un esprit faux et bas, sans culture, sans goût, quand je pourrai oublier la force majestueuse des belles scènes de Corneille, l’inimitable Racine, les belles épîtres de Boileau, et son Art poétique ; le nombre des

  1. L’édition de 1769 disait : « qui contient déjà prés de trois cents habitants ». En reproduisant la pièce, en 1772, dans le tome XI des Nouveaux Mélanges, on mit : « qui contient déjà près de quatre cents habitants ». La version qu’on lit aujourd’hui parut, en 1775, dans l’édition encadrée, tome XXIV, page 378. (B.)
  2. Dans les éditions de 1769 et 1772 on lit : j’ai eu.
  3. Dans son poëme des Saisons, publié en 1769.
  4. Éphémérides du citoyen, 1769, tome VIII, page 236.