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LES ADORATEURS,

Quoi ! la force active serait en tous lieux, et le grand Être ne serait pas en tous lieux ?

Virgile a dit [1] :

Mens agitai molem et magno se corpore miscet.

Caton a dit [2] :

Jupiter est quodcumque vides, quocumque moveris.

Saint Paul a dit (Act. apostolorum, XVII , 28) :

In ipso enim (Deo) vivimus, et movemur, et sumus.
Tout se meut, tout respire, et tout existe en Dieu,

Nous avons eu la bassesse d'en faire un roi [3] qui a des courtisans dans son cabinet, et des huissiers dans son antichambre. On chante dans quelques temples gothiques ces vers nouveaux d'un énergumène [4] :

Illic secum habitans in penetralibus,
Se rex ipse suo contuitu beat.

Dans son appartement ce monarque suprême
Se voit avec plaisir, et vit avec lui-même.

C'est, au fond, peindre Dieu comme un fat qui se regarde au miroir, et qui se contemple dans sa figure ; c'est bien alors que l'homme a fait Dieu à son image.

Pensons donc comme Platon, Virgile, Caton, saint Paul, saint Thomas, sur ce grand sujet, et non comme le victorin auteur de cette hymne. Ne cessons de répéter que l'intelligence infinie de l'être nécessaire, de l'être formateur, produit tout, remplit tout, vivifie tout de toute éternité. Il nous faut à nous, ombres passagères, à nous atomes d'un moment, à nous atomes pensants, il nous faut une portion d'intelligence bien rare, bien exercée, pour comprendre seulement une petite partie de ses mathématiques éternelles.

Par quelles lois la terre a-t-elle un mouvement périodique de vingt-sept mille neuf cent vingt années, outre son cours dans

  1. Æn., VI, 627.
  2. Pharsale de Lucain, IX, 580.
  3. Voyez ci-dessus, Tout en Dieu, page 98.
  4. Santeuil.