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OU LES LOUANGES DE DIEU.

de notre petit monde fût dans le soleil, et que toutes nos planètes tournassent autour de lui, de façon que les cubes de leurs distances seraient toujours comme les carrés de leurs révolutions. Jupiter et Saturne observent ces lois en parcourant leurs orbites ; et les satellites de Saturne et de Jupiter obéissent à ces lois avec la même exactitude. Ces divins théorèmes, réduits en pratique à la naissance éternelle des mondes, n’ont été découverts que de nos jours ; mais ils sont aujourd’hui aussi connus que les premières propositions d’Euclide.

On sait que tout est uniforme dans l’étendue des cieux ; mille milliards de soleils qui la remplissent ne sont qu’une faible expression de l’immensité de l’existence. Tous jettent de leur sein les mêmes torrents de lumière qui partent de notre soleil ; et des mondes innombrables s’éclairent les uns les autres. On en compte jusqu’à deux mille dans une seule partie de la constellation d’Orion. Cette longue et large bande de points blancs qu’on remarque dans l’espace, et que la fabuleuse Grèce nommait la voie lactée, en imaginant qu’un enfant nommé Jupiter, Dieu de l’univers, avait laissé répandre un peu de lait en tétant sa nourrice ; cette voie lactée, dis-je, est une foule de soleils dont chacun a ses mondes planétaires roulants autour de lui. Et à travers cette longue traînée de soleils et de mondes, on voit encore des espaces dans lesquels on distingue encore des mondes plus éloignés, surmontés d’autres espaces et d’autres mondes.

J’ai lu dans un poëme épique [1] ces vers qui expriment ce que j’ai voulu dire :

Au delà de leur cours, et loin dans cet espace
Où la matière nage, et que Dieu seul embrasse,
Sont des soleils sans nombre et des mondes sans fin ;
Dans cet abîme immense, il leur ouvre un chemin.
Par delà tous ces cieux le Dieu des cieux réside.

J’aurais mieux aimé que l’auteur eût dit :

Dans ces cieux infinis, le Dieu des cieux réside.

Car la force, la vertu puissante qui les dirige et qui les anime doit être partout : ainsi que la gravitation est dans toutes les parties de la matière, ainsi que la force motrice est dans toute la substance du corps en mouvement.

  1. Henriade, chant VII, 6l-65.