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DE MADAME DE CAYLUS.

ment. Cependant MM. les princes de Conti ne cédèrent qu'en apparence à ces derniers ordres ; ils partirent secrètement avec le prince de Turenne et M. le prince Eugène de Savoie [1]. Plusieurs autres devaient les suivre à mesure qu'ils trouveraient les moyens de s'échapper ; mais leur dessein fut découvert par un page de ces princes qu'ils avaient envoyé à Paris, et qui s'en retournait chargé de lettres de leurs amis. M. de Louvois en fut averti, et on arrêta le page comme il était sur le point de sortir du royaume. On prit ces lettres, et M. de Louvois les apporta au roi, parmi lesquelles il eut la douleur d'en trouver de Mme la princesse de Conti, sa fille, remplies des traits les plus satiriques contre lui et contre Mme de Maintenon [2].

Les princes de Conti revinrent après la défaite des Turcs : l'aîné mourut peu de temps après, comme je l'ai dit, de la petite vérole ; et l'autre fut exilé à Chantilly. Pour Mme la princesse de Conti, elle ne perdit à sa petite vérole qu'un mari qu'elle ne regretta pas. D'ailleurs veuve à dix-huit ans, princesse du sang, et aussi riche que belle, elle eut de quoi se consoler. On a dit qu'elle avait beaucoup plu à monsieur son beau-frère ; et comme il était lui-même fort aimable, il est vraisemblable qu'il lui plut aussi [3].

  1. Mme de Caylus se trompe. Le prince Eugène de Savoie était déjà passé au service de l'empereur, et avait un régiment (a).
  2. Si c'est par légèreté, pardonnons ; si par folie, compatissons ; si par injure, oublions. (Cod., livre IX, titre VII.)
  3. Il lui plut très-fort. Monsieur le Duc lui envoya un jour un sonnet dans lequel il comparait Mme la princesse de Conti, sa belle-sœur, à Vénus. Le prince de Conti répliqua par ces vers, aussi malins que charmants :

    Adressez mieux votre sonnet ;
    De la déesse de Cythère
    Votre épouse est ici le plus digne portrait,
    Et si semblable en tout que le dieu de la guerre,
    La voyant dans vos bras, entrerait en courroux.
    Mais ce n'est pas la première aventure
    Où d'un Condé Mars eût été jaloux.
    Adieu, grand prince, heureux époux ;
    Vos vers semblent faits par Voiture
    Pour la Vénus que vous avez chez vous.

    Le Voiture de Monsieur le Duc était le duc de Nevers. La malignité de la réponse consiste dans ces mots si semblable en tout : c'était comparer le mari à Vulcain.

    (a) M. Monmerqué fait observer que Mme de Caylus ne se trompe que sur l'époque. En 1683, les princes de Conti et le prince Eugène allèrent, du consentement du roi, servir dans les armées de l'empereur ; le prince Eugène y resta : ce fut conséquemment sans lui qu'en 1685 ils repartirent secrètement.