semblant aux capucinades du petit Père Honoré qu'à la majesté d'un prophète divin. Il faut ajouter encore que les chœurs qui manquaient aux représentations faites à Paris ajoutaient une grande beauté à la pièce, et que les spectateurs mêlés et confondus [1] avec les acteurs refroidissent infiniment l'action ; mais malgré ces défauts et ces inconvénients elle a été admirée, et elle le sera toujours.
Je me souviens de l'avoir vue (a) venir chez Mme de Maintenon, un jour de l'assemblée de pauvres : car Mme de Maintenon avait introduit chez elle ces assemblées au commencement de chaque mois, où les dames apportaient leurs aumônes [2], et Mme de Montespan comme les autres. Elle arriva un jour avant que cette assemblée commençât ; et comme elle remarqua, dans l'anti-chambre, le curé, les sœurs grises, et tout l'appareil de la dévotion que Mme de Maintenon professait, elle lui dit en l'abordant : « Savez-vous, madame, comme votre antichambre est merveilleusement parée pour votre oraison funèbre ? » Mme de Maintenon, sensible à l'esprit, et fort indifférente au sentiment qui faisait parler Mme de Montespan, se divertissait de ses bons mots [3] et était la première à raconter ceux qui tombaient sur elle.
M. de Clermont-Chate, en ce temps-là officier des gardes, ne déplut pas à Mme la princesse de Conti, dont il parut amoureux [4] ; mais il la trompa pour cette même Mlle Chouin dont j'ai parlé ; son infidélité et sa fausseté furent découvertes par un paquet de lettres que M. de Clermont avait confié à un courrier de Mme de Luxembourg pendant une campagne. Ce courrier portant à M. de Barbesieux les lettres du général, il lui demanda s'il n'avait point d'autres lettres pour la cour, à quoi il répondit qu'il n'avait qu'un paquet pour Mlle Chouin, qu'il avait promis de lui remettre à elle-même. M. de
- ↑ Cette barbarie insupportable, dont Mme la marquise de Caylus se plaint avec tant de raison, ne subsiste plus, grâce à la générosité singulière de M. le comte de Lauraguais, qui a donné une somme considérable pour réformer le théâtre. C'est à lui seul qu'on doit la décence et la beauté du costume qui règnent aujourd'hui sur la scène française : rien ne doit affaiblir les témoignages de la reconnaissance qu'on lui doit ; il faut espérer qu'il se trouvera des âmes assez nobles pour imiter son exemple ; on peut faire un fonds, moyennant lequel les spectateurs seront assis au parterre, comme on l'est dans le reste de l'Europe (b).
- ↑ Il est très-bien de faire l'aumône ; mais la main gauche de Mme de Maintenon savait trop ce que faisait la droite.
- ↑ On devait en profiter.
- ↑
Elle l'a déjà dit (c).
(a) Mme de Montespan.
(b) Voyez la note, tome V, page 405.
(c) Voyez page 294.