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DE MADAME DE CAYLUS.

tite fille fut depuis Mme de Montgon [1], madame du palais de madame la dauphine de Savoie.

Je rapporte ici la manière dont elle s'en est expliquée elle-même avec son confesseur : « Mme de Montespan et Mme de Richelieu travaillent présentement à un mariage pour moi, qui, pourtant, ne s'achèvera pas. C'est un duc, assez malhonnête homme et fort gueux. Ce serait une source d'embarras et de déplaisirs qu'il serait imprudent de s'attirer ; j'en ai déjà assez dans ma condition singulière [2] et enviée de tout le monde, sans aller en chercher dans un état qui fait le malheur des trois quarts du genre humain. »

Cependant le roi, si prévenu dans les commencements contre Mme de Maintenon, qu'il ne l'appelait d'un air de dénigrement, en parlant à Mme de Montespan, que votre bel esprit, s'accoutuma à elle, et comprit qu'il y avait tant de plaisir à l'entretenir qu'il exigea de sa maîtresse, par une délicatesse dont on ne l'eût peut-être pas cru capable, de ne lui plus parler les soirs quand il serait sorti de sa chambre. Mme de Maintenon s'en aperçut, et, voyant qu'on ne lui répondait qu'un oui et qu'un non assez sec: « J'entends, dit-elle; ceci est un sacrifice. » Et comme elle se levait, Mme de Montespan l'arrêta, charmée qu'elle eût pénétré le mystère. La conversation n'en fut que plus vive après, et elles se dirent, sans doute dans un genre différent, l'équivalent de ce que Ninon avait dit du billet de La Châtre [3].

Je rapporterai ici quelques fragments des lettres que Mme de Maintenon écrivait à l'abbé Gobelin : on y verra mieux que je ne pourrais l'exprimer ce qu'elle eut à souffrir, et quels étaient ses véritables sentiments. Il est vrai qu'il serait à désirer que ces lettres fussent datées. Mais les choses marquent assez le temps où elles ont été écrites [4].

  1. Mère de l'abbé de Montgon, auteur des Mémoires où le cardinal de Fleury est très-dénigré (a).
  2. La singularité de sa condition et de son état venait sans doute de ce qu'elle se trouvait à la cour la veuve de Scarron, dont pourtant elle n'avait jamais été la femme.
  3. M. de La Châtre avait exigé un billot de Mme de Lenclos, un billet comme quoi elle lui serait fidèle pendant son absence ; et, étant avec un autre, dans le moment le plus vif elle s'écria : « Le beau billet qu'a La Châtre ! »
  4. Toutes les lettres de Mme de Maintenon à son confesseur font bien voir le caractère de la dévote ambitieuse, et celui du prêtre à qui elle en rend compte.

    (a) Voltaire a déjà parlé des Mémoires de Montgon (voyez tome XVI, page 385).