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SOUVENIRS


SOUVENIRS


Mme de Maintenon était petite-fille de Théodore-Agrippa d'Aubigné, élevé auprès de Henri IV, dans la maison de Jeanne d'Albret, reine de Navarre, et connu surtout par ses écrits et son zèle pour la religion protestante, mais plus recommandable encore par une sincérité dont il parle lui-même dans un manuscrit que j'ai vu de sa main, et dans lequel il dit que sa rude probité le rendait peu propre auprès des grands.

Il eut l'honneur de suivre Henri IV dans toutes les guerres qu'il eut à soutenir, et se retira, après la conversion de ce prince, dans sa petite maison de Mursay, près de Niort en Poitou [1] . . . . . . . . .

Je me souviens d'avoir entendu raconter que Mme d'Aubigné étant venue à Paris demander au cardinal de Richelieu la grâce de son mari (a), ce ministre avait dit en la quittant : « Elle serait bienheureuse si je lui refusais ce qu'elle me demande. »

M. d'Aubigné [2] mourut à la Martinique, à son second voyage, car je crois avoir entendu dire qu'il en avait fait deux.

Mais mes souvenirs me rappellent à la cour où Mme de Maintenon jouait un grand rôle auprès de la reine : elle avait été faite dame d'atours de madame la dauphine de Bavière; et le roi avait acheté pour elle la terre de Maintenon, en 1674 ou 1675 (b), dont il voulut qu'elle prît le nom [3].

Elle (Mme de Maintenon) prit pour prétexte la petite d'Heudicourt, et la demanda à madame sa mère, qui la lui donna sans peine par l'amitié qui était entre elles, et le goût qu'elle lui connaissait pour les enfants. Cette pe-

  1. Il en fait la description dans le Baron de Feneste, et c'est de lui-même dont il parle sous le nom d'Énée (c).
  2. Il mourut au retour de son second voyage de la Martinique, dans un voyage qu'il fit à Orange. (d).
  3. J'ai vu, dans une lettre écrite à M. d'Aubigné, que le roi lui avait ordonné de prendre le nom de Maintenon.

    (a) Dans une réimpression faite, en 1770, en Hollande, des Souvenirs de madame de Caylus, on lit en note: Il fut accusé d'avoir fait de la fausse monnaie. Cette annotation, qui n'est pas dans l'édition originale, n'est probablement pas de Voltaire. (B.) — Elle est de Mme de Caylus elle-même.

    (b) L'acte est du 27 décembre 1674.

    (c) Les Aventures du baron de Feneste, roman satirique de d'Aubigné, ont été imprimées pour la première fois en 1617.

    (d) Il mourut à la Martinique en 1647.