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RÉFLEXIONS.

mais il s'attache à être complet là-dessus, et il ne dort tranquille que lorsqu'il a mis son registre au courant. Il régnait dans la famille un esprit d'exactitude, de cérémonial et de purisme. Il est très-vrai que ces notes, prises sur quantité de faits et de points de régularité et d'étiquette, pouvaient lui être utiles, à lui courtisan, pour être prêt à répondre à tout, pour être bien informé sur tout; mais je crois qu'il entrait aussi dans ce projet, exécuté d'une manière si constante et si suivie, de cette pensée plus longue et plus honorable d'être utile un jour à la postérité par une multitude d'informations qui aideraient à connaître la cour et le monarque : et en cela il ne s'est point si fort trompé. »

Voltaire ne pouvait aprécier l'ouvrage de Dangeau à sa juste valeur. Il n'en connaissait qu'une trop faible partie, et le règne de Louis XIV n'était pas encore assez éloigné pour que les informations du marquis eussent tout leur prix. Nous avons cru utile d'indiquer au lecteur le sentiment actuel du public éclairé relativement au document historique dont il s'agit ici. On n'en lira pas moins avec plaisir les notes humoristiques de Voltaire.

L. M.


RÉFLEXIONS[1]


On nous a priés de donner nos soins à l'édition ; le nom seul de Louis XIV nous y a déterminés. Nous avons cru que tout serait précieux du grand siècle des beaux-arts. Nous savons qu'an Italien qui trouverait dans les décombres de Rome les pots de chambre d'Auguste et de Mécène serait entouré de curieux et d'acheteurs.

Nous ne savons pas de quelle dignité était revêtu à la cour le seigneur qui écrivit ces mémoires[2]. On peut juger plus sûrement de l'étendue de son esprit que de celle des honneurs qu'il posséda de son vivant. Il y a quelque apparence qu'il avait un emploi de confiance dans Saint-Cyr, puisqu'il s'exprime ainsi, page 332 : « La supérieure lui ayant dit que nous demandions, etc. »

A ne considérer que son style, son orthographe, qu'on a corrigée, et surtout l'importance qu'il met à tout ce qu'on faisait

  1. Dans l'édition de 1770, ce morceau était à la fin du volume, et sous le titre de Témoignage de l'éditeur. Mais c'est une préface; et sa place m'a semblé devoir être celle que je lui donne. (B.)
  2. Philippe de Courcillon, marquis de Dangeau, né en 1638, mort en septembre 1720, fut le premier des six menins du dauphin, fils de Louis XIV, chevalier d'honneur des dauphines, grand maître des ordres de Notre-Dame du Carmel et de Saint-Lazare.