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ADDITION DU TRADUCTEUR.

Platon : donc Platon est le véritable fondateur du christianisme.

Si l’on considère ensuite que la doctrine du verbe et de la trinité n’est expressément dans aucun auteur, excepté Platon, il faut absolument le regarder comme l’unique fondateur de la métaphysique chrétienne. Jésus, qui n’a jamais rien écrit, qui est venu si longtemps après Platon, et qui ne parut que chez un peuple grossier et barbare, ne peut être le fondateur d’une doctrine plus ancienne que lui, et qu’assurément il ne connaissait pas.

Le platonisme, encore une fois, est le père du christianisme, et la religion juive est la mère. Or, quoi de plus dénaturé que de battre son père et sa mère ? Qu’un homme s’en tienne aujourd’hui au platonisme, un cuistre de théologie présentera requête pour le faire cuire en place publique, s’il le peut, comme un cuistre de Noyon[1] fit autrefois cuire Michel Servet. Qu’un Espagnol nuevo cristiano imite Jésus-Christ, qu’il se fasse circoncire comme lui, qu’il observe le sabbat comme lui, qu’il mange comme lui l’agneau pascal avec des laitues dans le mois de mars : les familiers de l’Inquisition voudront le faire brûler en place publique.

C’est une chose également remarquable et horrible que la secte chrétienne ait presque toujours versé le sang, et que la secte épicurienne, qui niait la Providence et l’immortalité de l’âme, ait toujours été pacifique. Il n’y a pas un soufflet donné dans l’histoire des épicuriens ; et il n’y a peut-être pas une seule année, depuis Athanase et Arius jusqu’à Quesnel et Le Tellier, qui n’ait été marquée par des exils, des emprisonnements, des brigandages, des assassinats, des conspirations, ou des combats meurtriers.

Platon n’imaginait pas, sans doute, qu’un jour ses sublimes et inintelligibles rêveries deviendraient le prétexte de tant d’abominations. Si on a perverti si horriblement la philosophie, le temps est venu de lui rendre enfin sa première pureté.

Toutes les anciennes sectes, excepté la chrétienne, se supportaient les unes les autres : supportons donc jusqu’à celle des chrétiens ; mais aussi qu’ils nous supportent. Qu’on ne soit point un monstre intolérant, parce que le premier chapitre de l’Évangile attribué à Jean a été évidemment composé par un chrétien : ce n’est pas là une raison pour me persécuter. Qu’un prêtre qui n’est nourri, vêtu, logé, que des décimes que je lui paye, qui ne

  1. Calvin.