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ADDITION DU TRADUCTEUR.

Le dogme a fait mourir dans les tourments dix millions de chrétiens[1]. La morale n’eût pas produit une égratignure.

Le dogme porte encore la division, la haine, l’atrocité, dans les provinces, dans les villes, dans les familles. Ô vertu, consolez-nous !



ADDITION DU TRADUCTEUR.


Après le chapitre des chrétiens platoniciens, j’en ajouterais un pour confirmer l’opinion de l’auteur, s’il m’était permis de mêler mes idées aux siennes. Je pourrais dire que toutes les opinions des premiers chrétiens ont été prises de Platon, jusqu’au dogme même de l’immortalité de l’âme, que les anciens Juifs ne connurent jamais. Je ferais voir que le royaume des cieux, dont il est parlé si souvent dans l’Évangile, se trouve dans le Phédon de Platon. Voici les propres mots de ce philosophe grec, qui, sans le savoir, a fondé le christianisme : « Un autre monde pur est au-dessus de ce ciel pur où sont les astres ; la terre que nous habitons n’est que le sédiment grossier de ce monde éthéré, etc. »

Platon ajoute ensuite que « nous verrions ce royaume des cieux, ce séjour des bienheureux, si nous pouvions nous élancer au delà de notre air grossier, comme les poissons peuvent voir notre terre en s’élançant à fleur d’eau ».

Ensuite voici comme il s’exprime : « Dans cette terre si parfaite tout est parfait ; elle produit des pierres précieuses dont les nôtres n’approchent pas.... elle est couverte d’or et d’argent ; ce spectacle est le plaisir des bienheureux. Leurs saisons sont toujours tempérées ; leurs organes, leur intelligence, leur santé, les mettent infiniment au-dessus de nous, etc. »

Qui ne reconnaît dans cette description la Jérusalem céleste ? La seule différence, c’est qu’il y a du moins quelque philosophie dans la ville céleste de Platon, et qu’il n’y en a point dans celle de l’Apocalypse[2] attribuée à saint Jean. « Elle est semblable, dit-il, à une pierre de jaspe comme du cristal..... Celui qui parlait avec moi avait une canne d’or pour mesurer la ville.... La ville est bâtie en carré, aussi longue que large, et il la trouva de douze mille stades ; et sa longueur et sa largeur et sa hauteur sont égales... Le premier lit du fondement de la ville était de jaspe ; le

  1. Voyez ci-dessus, page 236.
  2. Chapitre xxi.