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QUERELLES CHRÉTIENNES.

pour l’ombre de l’âne. L’empereur Constantin, en qui les crimes n’avaient pas éteint le bon sens, commença par leur écrire qu’ils étaient tous des fous, et qu’ils se déshonoraient par des disputes si frivoles et si impertinentes : c’est la substance de la lettre qu’il envoie aux chefs des deux factions ; mais bientôt après la ridicule envie d’assembler un concile, d’y présider avec une couronne en tête, et la vaine espérance de mettre des théologiens d’accord, le rendirent aussi fou qu’eux. Il convoqua le concile de Nicée pour savoir précisément si un Juif était Dieu. Voilà l’excès de l’absurdité ; voici maintenant l’excès de la fraude.

Je ne parle pas des intrigues que les deux factions employèrent ; des mensonges, des calomnies sans nombre ; je m’arrête aux deux beaux miracles que les athanasiens firent à ce concile de Nicée.

L’un de ces deux miracles, qui est rapporté dans l’appendix[1] de ce concile, est que les Pères étant fort embarrassés à décider quels évangiles, quels pieux écrits il fallait adopter, et quels il fallait rejeter, s’avisèrent de mettre pêle-mêle sur l’autel tous les livres qu’ils purent trouver, et d’invoquer le Saint-Esprit, qui ne manqua pas de faire tomber par terre tous les mauvais livres ; les bons restèrent, et depuis ce moment on ne devait plus douter de rien.

Le second miracle, rapporté par Nicéphore[2], Baronius[3], Aurélius Peruginus[4], c’est que deux évêques, nommés Chrysante et Musonius, étant morts pendant la tenue du concile, et n’ayant pu signer la condamnation d’Arius, ils ressuscitèrent, signèrent, et remoururent : ce qui prouve la nécessité de condamner les hérétiques.

Il semblait qu’on dut attendre de ce grand concile une belle ; décision formelle sur la trinité ; il n’en fut pas question. On se contenta d’en dire à la fin un petit mot dans la profession de foi du concile. Les Pères, après avoir déclaré que Jésus est engendré et non fait, et qu’il est consubstantiel au Père, déclarent qu’ils croient aussi au souffle que nous appelons Saint-Esprit, et dont on a fait depuis un troisième Dieu. Il faut avouer avec un auteur moderne que le Saint-Esprit fut traité fort cavalièrement à Nicée. Mais qu’est-ce que ce Saint-Esprit ? On trouve dans le vingtième chapitre de Jean que Jésus, ressuscité secrètement, apparut à

  1. Concil. Labb., tome I, page 84. (Note de Voltaire.)
  2. Liv. VIII, ch. xxiii. (Id.)
  3. Tome IV, n° 82. (Id.)
  4. Ann. 325. (Id.)