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PROGRÈS DES CHRÉTIENS.

hommes, séchant de crainte, attendront ce qui doit arriver à l’univers entier. Les vertus des cieux seront ébranlées ; et alors ils verront le fils de l’homme venant dans une nuée avec grande puissance et grande majesté. En vérité, je vous dis que la génération présente ne passera point que tout cela ne s’accomplisse. »

La tête illuminée de Paul effraya plus d’une fois ses disciples de Thessalonique en enchérissant sur cette prophétie. « Nous qui vivons, leur dit-il, et qui parlons, nous serons emportés au-devant du Seigneur au milieu des airs[1]. »

Simon Barjone, surnommé Pierre, et que Jésus, par une singulière équivoque, nomma, dit-on, pour être la pierre angulaire de son Église, dit dans sa première Épître[2] que « la fin du monde approche » ; et dans la seconde[3], « qu’on attend de nouveaux cieux et une nouvelle terre ».

La première Épître attribuée à Jean assure[4] que « le monde est à sa dernière heure ». Thadée, Jude ou Juda, voit « le Seigneur qui va venir avec des milliers de saints pour juger les hommes[5] ».

Comme cette catastrophe n’arriva point dans la génération où elle était annoncée, on remit la partie à une seconde génération, et puis à une troisième. Une nouvelle Jérusalem parut en effet dans l’air pendant plusieurs nuits. Quelques Pères de l’Église la virent distinctement ; mais elle disparaissait au point du jour, comme les diables s’enfuient au chant du coq.

On remit donc les nouveaux cieux et une nouvelle terre pour une quatrième génération ; et de siècle en siècle les chrétiens attendirent la fin de ce monde, qui était si prochaine.

À cette crainte se joignait l’espérance du royaume des cieux, que les Évangiles comparent à de la moutarde, à des noces, à de l’argent mis à usure. Quel était ce royaume ? Où était-il ? Était-ce dans les nuées où l’on avait vu la Jérusalem de l’Apocalypse ? Était-ce dans une des sept planètes, ou dans une étoile de la première grandeur, ou dans la voie lactée, à travers laquelle notre vicaire Derham[6] a vu le firmament ?

Paul avait assuré les Juifs de Thessalonique qu’il irait avec

  1. Ire épître aux Thessal., iv, 10.
  2. Ch. iv, 7.
  3. iii, 13.
  4. ii, 18.
  5. Épître de saint Jude, 14 et 15.
  6. Guillaume Derham, ecclésiastique anglais, né en 1657, mort en 1735. Il existe deux traductions françaises de sa Théologie astronomique. La seconde est d’Élie Bertrand, 1760, in-8o. Voyez la note des éditeurs de Kehl, tome XXI, page 107.