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FRAUDES DES CHRÉTIENS.

d’avoir assassiné deux enfants de sa sœur, menaça d’en faire autant aux évêques ses ennemis[1].

On voit par là qu’il fut impossible aux empereurs romains d’abolir la religion chrétienne, puisqu’ils ne la connurent qu’au bout de trois siècles.


CHAPITRE XXXVI.
Fraudes innombrables des chrétiens.


Pendant ces trois siècles, rien ne fut plus aisé aux chrétiens que de multiplier secrètement leurs Évangiles jusqu’au nombre de cinquante-quatre. Il est même étonnant qu’il n’y en ait pas eu un plus grand nombre. Mais en récompense, avouons qu’ils s’occupèrent continuellement à composer des fables, à supposer de fausses prophéties, de fausses ordonnances, de fausses aventures, à falsifier d’anciens livres, à forger des martyres et des miracles. C’est ce qu’ils appelaient des fraudes pieuses. La multitude en est prodigieuse. Ce sont les Lettres de Pilate à Tibère, et de Tibère à Pilate[2] ; des Lettres de Paul à Sénèque, et de Sénèque à Paul ; une Histoire de la femme de Pilate ; des Lettres de Jésus à un prétendu roi d’Édesse[3] ; je ne sais quel Édit de Tibère pour mettre Jésus au rang des dieux ; cinq ou six Apocalypses ressemblant à des rêves d’un malade qui a le transport au cerveau ; un Testament des douze patriarches qui prédisent Jésus-Christ et les douze apôtres ; le Testament de Moïse ; le Testament d’Énoch et de Joseph ; l’Ascension de Moïse au ciel ; celle d’Abraham, d’Elda, de Moda, d’Élie, de Sophonie, etc. ; le Voyage de Pierre, l’Apocalypse de Pierre, les Actes de Pierre, les Récognitions de Clément, et mille autres.

On supposa surtout des Constitutions, des Décrets apostoliques, dans lesquels on ne manque pas de dire que les évêques sont au-dessus des empereurs.

On poussa l’impudence jusqu’à supposer des vers grecs attribués aux sibylles, qui sont rares par l’excès du ridicule[4].

Enfin les quatre premiers siècles du christianisme n’offrent qu’une suite continuelle de faussaires qui n’ont guère écrit que

  1. Histoire ecclésiastique, l. IX. (Note de Voltaire.)
  2. Voyez tome XXVII, page 537.
  3. Voyez tome XVII, page 302.
  4. Voyez tome XVII, page 314.