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RELIGION DE JÉSUS.

Dieu a exalté, que Dieu a mis dans sa gloire. Il est vrai que Paul place Jésus tantôt immédiatement au-dessus des anges, tantôt au-dessous. Que pouvons-nous en conclure ? Que l’inintelligible Paul est un Juif qui se contredit.

Il est très-certain que les premiers disciples de Jésus n’étaient autre chose qu’une secte particulière de Juifs, comme les wicléfistes n’ont été parmi nous qu’une secte particulière. Il fallait certainement que Jésus se fût fait aimer de ses disciples, puisque, plusieurs années après la mort de Jésus, ceux qui embrassèrent son parti écrivirent cinquante-quatre Évangiles[1] dont quelques-uns ont été conservés en entier, dont les autres sont connus par de longs fragments, et quelques-uns cités seulement par les Pères de l’Église. Mais ni dans ces citations, ni dans ces fragments, ni dans aucun des Évangiles entièrement conservés, la personne de Jésus n’est jamais annoncée qu’en qualité d’un juste sur lequel Dieu a répandu les plus grandes grâces.

Il n’y a que l’Évangile attribué à Jean, évangile qui est probablement le dernier de tous, évangile évidemment falsifié depuis, dans lequel on trouve des passages concernant la divinité de Jésus. On indique dans le premier chapitre qu’il est le verbe, et il est clair que ce premier chapitre fut composé dans des temps postérieurs par un chrétien platonicien : le mot de verbe, logos, ayant été absolument inconnu à tous les Juifs.

Cependant cet Évangile de Jean fait dire positivement à Jésus : « Je monte à mon père qui est votre père, à mon Dieu qui est votre Dieu (chap. xx, v. 17). » Ce passage contredit tous les passages qui pourraient faire regarder Jésus comme un dieu-homme. Chaque Évangile est contraire à lui-même et contraire aux autres, et tous ont été, dit-on, falsifiés ou corrompus par les copistes.

On falsifia bien davantage une épître attribuée à ce même Jean. On lui fait dire « qu’il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père, le Verbe, et l’Esprit-Saint ; et ces trois sont un : et il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre, l’esprit, l’eau et le sang ; et ces trois sont un ». (Ire Épître, chap. v, versets 7 et 8.)

Il a été prouvé que ce passage avait été ajouté à l’Épître de Jean vers le vie siècle. Nous dirons un mot dans un autre chapitre des énormes falsifications que les chrétiens ne rougirent pas de faire, et qu’ils appelèrent des fraudes pieuses. Nous ne voulons ici que faire toucher au doigt la vérité de tout ce qui con-

  1. Voyez tome XXVII, pages 439 et suiv.