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CHAPITRE XXXIV.

tament qu’on a falsifiés dans le Nouveau, pour les faire cadrer avec ce qu’on y dit de Jésus ; mais cette falsification même est une preuve que les disciples de Jésus ne le regardaient que comme un prophète juif. Il est vrai qu’ils appelaient quelquefois Jésus fils de Dieu, et l’on n’ignore pas que fils de Dieu signifiait homme juste ; et fils de Bélial, homme injuste. Les savants disent qu’on s’est servi de cette équivoque pour attribuer dans la suite la divinité à Jésus-Christ.

On prend, à la vérité, le nom de fils de Dieu au propre dans l’Évangile attribué à Jean. Aussi est-il dit que cette expression fut regardée en ce sens comme un blasphème par le grand prêtre.

Lorsque Étienne parle au peuple avant que d’être lapidé, il lui dit (chap. vii, v. 52) : « Quel est le prophète que vos pères n’ont pas persécuté ? Vous avez tué tous ceux qui vous prédisaient la venue du juste, dont vous avez été proditoirement les homicides. » Étienne ne donne à Jésus que le nom de juste ; il se garde bien de l’appeler Dieu. Étienne, en mourant, ne renonce point à la religion judaïque ; aucun apôtre n’y renonce ; ils baptisaient seulement au nom de Jésus, comme on baptisait au nom de Jean, du baptême de justice.

Paul lui-même, qui commença par être valet de Gamaliel, et qui finit par être son ennemi ; Paul, que les Juifs prétendent ne s’être brouillé avec Gamaliel que parce que ce prêtre lui avait refusé sa fille en mariage ; Paul, qui, après avoir été satellite de Gamaliel et avoir persécuté les disciples de Jésus, se mit lui-même, de sa propre autorité, au rang des apôtres ; Paul, qui était si enthousiaste et si emporté, regarde toujours Jésus-Christ comme un homme ; il est bien loin de l’appeler Dieu. Il ne dit en aucun endroit que Jésus n’ait pas été soumis à la loi juive : Paul lui-même fut toujours juif. Je n’ai péché[1], dit-il au proconsul Festus, ni contre la loi juive, ni contre le temple. Paul va sacrifier lui-même dans le temple, pendant sept jours ; Paul circoncit Timothée, fils d’un païen et d’une fille de joie.

Le vrai Juif[2], dit-il dans son Épître aux Romains, est celui qui est juif intérieurement. En un mot, Paul ne fut jamais qu’un Juif qui se mit au rang des partisans de Jésus contre les autres Juifs. Dans tous les passages où il parle de Jésus-Christ, il le préconise toujours comme un bon Juif à qui Dieu s’est communiqué, que

  1. Actes, ch. xxv, v. 8. (Note de Voltaire.)
  2. Ibid., ch. II, V. 28 et 29. (Id.)