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JUIFS IDOLÂTRES.

Une quatrième preuve, plus forte que toutes les autres, se tire des prophètes. Aucun d’eux ne cite les lois du Lévitique, ni du Deutéronome ; mais plusieurs assurent que les Juifs n’adorèrent point Adonaï dans le désert, ou qu’ils adorèrent aussi d’autres dieux locaux. Jérémie dit que[1] « le seigneur Melchom s’était emparé du pays de Gad ». Voilà donc Melchom reconnu dieu, et si bien reconnu pour dieu par les Juifs que c’est ce même Melchom à qui Salomon sacrifia depuis sans qu’aucun prophète l’en reprît.

Jérémie dit encore quelque chose de bien plus fort ; il fait ainsi parler Dieu[2] : « Je n’ai point ordonné à vos pères, quand je les ai tirés d’Égypte, de m’offrir des holocaustes et des victimes. » Y a-t-il rien de plus précis ? Peut-on prononcer plus expressément que les Juifs ne sacrifièrent jamais au dieu Adonaï dans le désert ?

Amos va beaucoup plus loin. Voici comme il fait parler Dieu[3] : « Maison d’Israël, m’avez-vous offert des hosties et des sacrifices dans le désert pendant quarante ans ? Vous y avez porté le tabernacle de votre Moloch, l’image de vos idoles, et l’étoile de votre Dieu. »

On sait que tous les petits peuples de ces contrées avaient des dieux ambulants qu’ils mettaient dans des petits coffres, que nous appelons arche, faute de temple. Les villages les plus voisins de l’Arabie adoraient des étoiles, et mettaient une petite figure d’étoile dans leur coffre.

Cette opinion que les Juifs n’avaient point adoré Adonaï dans le désert fut toujours si répandue, malgré l’Exode et le Lévitique, que saint Étienne, dans son discours au sanhédrin, n’hésite pas à dire[4] : « Vous avez porté le tabernacle de Moloch et l’astre de votre dieu Remphan, qui sont des figures que vous avez faites pour les adorer (pendant quarante ans). »

On peut répondre que cette adoration de Melchom, de Moloch, de Remphan, etc., était une prévarication. Mais une infidélité de quarante années, et tant d’autres dieux adorés depuis, prouvent assez que la religion juive fut très-longtemps à se former. Après la mort de Gédéon il est dit que[5] les Juifs adorèrent Baal-Bérith. Baal est la même chose qu’Adonaï ; il signifie le Seigneur. Les Juifs commençaient probablement alors à apprendre

  1. Jérémie, xlix, 1. (Note de Voltaire.)
  2. Ibid., vii, 22. (Id.)
  3. Amos, v, 25 et 26. (Id.)
  4. Actes des apôtres, vii, 43. (Note de Voltaire.)
  5. Juges, viii, 33, et ix, 4. (Id.)