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CHAPITRE XIV.

auteurs persans, chaldéens et syriens, qui auraient pu nous instruire ; nous voyageons ici dans un désert où des animaux sauvages ont vécu. Tâchons de découvrir quelques traces de leurs pas.

Les Juifs étaient-ils originairement une horde vagabonde d’Arabes du désert qui s’étend entre l’Égypte et la Syrie ? Cette horde, s’étant multipliée, s’empara-t-elle de quelques villages vers la Phénicie ? Rien n’est plus vraisemblable. Leur tour d’esprit, leur goût pour les paraboles et pour le merveilleux incroyable, leur extrême passion pour le brigandage, tout concourt à les faire regarder comme une nation très-nouvellement établie, qui sortait d’une petite horde arabe.

Il y a plus : ils prétendent, dans leur histoire, que des tribus arabes et eux descendent du même père ; que des enfants de quelques pasteurs errants, qu’ils appellent Abraham, Loth, Ésaü, habitèrent des contrées d’Arabie. Voilà bien des conjectures ; mais il ne reste aucun monument qui puisse les appuyer.

Si l’on examine ce grand procès avec le seul bon sens, on ne peut regarder les livres juifs comme des preuves. Ils ne sont point juges en leur propre cause. Je ne crois point Tite-Live, quand il nous dit que Romulus était fils du dieu Mars ; je ne crois point nos premiers auteurs anglais, quand ils disent que Vortiger était sorcier ; je ne crois point les vieilles histoires des Francs, qui rapportent leur origine à Francus, fils d’Hector. Je ne dois pas croire les Juifs sur leur seule parole, quand ils nous disent des choses extraordinaires. Je parle ici selon la foi humaine, et je me garde bien de toucher à la foi divine. Je cherche donc ailleurs quelque faible lumière, à la lueur de laquelle je puisse découvrir les commencements de la nation juive.

Plus d’un ancien auteur dit que c’était une troupe de lépreux qui fut chassée de l’Égypte par le roi Amasis. Ce n’est là qu’une présomption. Elle acquiert un degré de probabilité par l’aveu que les Juifs font eux-mêmes qu’ils s’enfuirent d’Égypte, et qu’ils étaient fort sujets à la lèpre ; mais ces deux degrés de probabilité, le consentement de plusieurs anciens, et l’aveu des Juifs, sont encore loin de former une certitude.

Diodore de Sicile raconte, d’après les auteurs égyptiens qu’il a consultés, que le même Amasis ayant eu la guerre avec Actisanès[1], roi d’Éthiopie, cet Actisanès, vainqueur, fit couper le nez et les oreilles à une horde de voleurs, qui avait infesté l’Égypte

  1. Voyez tome XXVII, page 242.