Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
120
DE LA PAIX

l’a prédit de même : il a écrit aux fanatiques de Thessalonique[1] qu’ils iraient avec lui dans les airs au-devant de Jésus.

« Cependant le monde dure encore ; mais les chrétiens en attendent toujours la fin prochaine : ils voient déjà de nouveaux cieux et une nouvelle terre se former ; deux insensés, nommés Justin et Tertullien, ont déjà vu de leurs yeux, pendant quarante nuits[2], la nouvelle Jérusalem, dont les murailles, disent-ils, avaient cinq cents lieues de tour, et dans laquelle les chrétiens doivent habiter pendant mille ans, et boire d’excellent vin d’une vigne dont chaque cep produira dix mille grappes, et chaque grappe dix mille raisins.

« Que Votre Majesté ne s’étonne point s’ils détestent Rome et votre empire, puisqu’ils ne comptent que sur leur nouvelle Jérusalem. Ils se font un devoir de ne jamais faire de réjouissance publique pour vos victoires ; ils ne couronnent point de fleurs leurs portiques, ils disent que c’est une idolâtrie. Nous, au contraire, nous n’y manquons jamais. Vous avez daigné même recevoir nos présents ; nous sommes des vaincus fidèles, et ils sont des sujets factieux. Daignez juger entre eux et nous. »

L’empereur alors se tourna vers le sénateur, et lui dit : « Je juge qu’ils sont également insensés ; mais l’empire n’a rien à craindre des Juifs, et il a tout à redouter des chrétiens. »

Marc-Aurèle ne se trompa point dans sa conjecture.

XVIII.

On sait assez comment les chrétiens, s’étant prodigieusement enrichis par le commerce pendant près de trois cents années, prêtèrent de l’argent à Constance Chlore, et à Constance, fils de ce Constance et d’Hélène, sa concubine. Ce ne fut pas certainement par piété qu’un monstre tel que Constantin, souillé du sang de son beau-père, de son beau-frère, de son neveu, de son fils, et de sa femme, embrassa le christianisme. L’empire dès lors pencha visiblement vers sa ruine.

Constantin commença d’abord par établir la liberté de toutes les religions, et aussitôt les chrétiens en abusèrent étrangement. Quiconque a un peu lu sait qu’ils assassinèrent le jeune Candidien, fils de l’empereur Galérius, et l’espérance des Romains ; qu’ils massacrèrent un fils de l’empereur Maximin, presque au berceau, et sa fille, âgée de sept ans ; qu’ils noyèrent leur mère

  1. Thessal., iv, 17.
  2. Voyez Irénée. (Note de Voltaire.)