Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
DE LA PAIX

le Seigneur Dieu vous a prescrite… Si votre frère, ou le fils de votre mère, ou votre fils, ou votre fille, ou votre femme, ou votre ami, que vous aimez comme votre âme, vous dit : Allons, servons d’autres dieux, etc., tuez-le aussitôt, et que tout le peuple le frappe après vous[1]. »

« Selon tous ces préceptes, dont je ne garantis pas la douceur, Jésus devait périr par le dernier supplice s’il avait voulu changer quelque chose à la loi de Moïse. Mais si nous en voulons croire le propre témoignage de ceux qui ont écrit en sa faveur, nous verrons qu’il n’a été accusé devant les Romains que parce qu’il avait toujours insulté la magistrature et troublé l’ordre public. Ils disent[2] qu’il appelait continuellement les magistrats hypocrites, menteurs, calomniateurs, injustes, race de vipères, sépulcres blanchis.

« Or, je demande quel est le Romain qu’on ne punirait pas s’il allait tous les jours au pied du Capitole appeler les sénateurs sépulcres blanchis, race de vipères. On l’accusa d’avoir blasphémé[3] d’avoir battu des marchands dans le parvis du temple, d’avoir dit qu’il détruirait le temple, et qu’il le rebâtirait dans trois jours : sottises qui ne méritaient que le fouet.

« On dit qu’il fut encore accusé de s’être appelé fils de Dieu ; mais les chrétiens ignorants, qui ont écrit son histoire, ne savent pas que, parmi nous, fils de Dieu signifie un homme de bien, comme fils de Bélial veut dire un méchant. Une équivoque a tout fait, et c’est à une pure logomachie que Jésus doit sa divinité. C’est ainsi que parmi ces chrétiens, celui qui ose se dire évêque de Rome prétend être au-dessus des autres évêques parce que Jésus lui dit un jour, à ce qu’on prétend : Tu es Pierre[4], et sur cette pierre je bâtirai mon assemblée.

« Certainement Jésus, malgré l’équivoque, ne songea jamais à se faire regarder comme fils de Dieu au pied de la lettre, ainsi qu’Alexandre, Bacchus, Persée, Romulus. L’évangile attribué à Jean dit même positivement qu’il fut reconnu par Philippe et par Nathanael pour fils de Joseph, charpentier du village de Nazareth[5].

D’autres chrétiens lui ont composé des généalogies ridicules et toutes contradictoires[6], sous le nom de Matthieu et de Luc : ils disent que Mirja ou Maria l’enfanta par l’opération d’un esprit, et en même temps ils donnent la généalogie de Joseph, son père

  1. Deutéronome, chap. xiii. (Note de Voltaire.)
  2. Matthieu, xxiii.
  3. Jean, ii, 15, 20.
  4. Matthieu, xvi, 18.
  5. Jean, chap. i, verset 45. (Note de Voltaire.)
  6. Voyez tome XIX, page 217.