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PERPÉTUELLE.

barbares qu’ils étaient, n’ont point approché de cette abomination despotique.

VIII.

Les Tyriens donnèrent aux Juifs un grand exemple, dont cette horde, nouvellement établie auprès d’eux, ne profita pas ; ils portèrent la tolérance, avec le commerce et les arts, chez toutes les nations. Les Hollandais de nos jours pourraient leur être comparés, s’ils n’avaient pas à se reprocher leur concile de Dordrecht contre les bonnes œuvres, et le sang du respectable Barneveldt, condamné à l’âge de soixante et onze ans pour avoir contristé au possible l’Église de Dieu[1]. Ô hommes ! ô monstres ! des marchands calvinistes, établis dans des marais, insultent au reste de l’univers ! Il est vrai qu’ils expièrent ce crime en reniant la religion chrétienne au Japon[2].

IX.

Les anciens Romains et les anciens Grecs, aussi élevés au-dessus des autres hommes que leurs successeurs sont rabaissés au-dessous, se signalèrent par la tolérance comme par les armes, par les beaux-arts, et par les lois.

Les Athéniens érigèrent un temple à Socrate, et condamnèrent à mort les juges iniques qui avaient empoisonné ce vieillard respectable, ce Barneveldt d’Athènes. Il n’y a pas un seul exemple d’un Romain persécuté pour ses opinions, jusqu’au temps où le christianisme vint combattre les dieux de l’empire. Les stoïciens et les épicuriens vivaient paisiblement ensemble. Pesez cette grande vérité, chétifs magistrats de nos pays barbares, dont les Romains furent les conquérants et les législateurs ; rougissez, Séquanais, Septimaniens, Cantabres, et Allobroges,

X.

Il est constant que les Romains tolérèrent jusqu’aux infâmes superstitions des Égyptiens et des Juifs ; et dans le temps même que Titus prenait Jérusalem, dans le temps même qu’Adrien la détruisait, les Juifs avaient dans Rome une synagogue : il leur était permis de vendre des haillons, et de célébrer leur pâque, leur pentecôte, leurs tabernacles : on les méprisait, mais on les souffrait. Pourquoi les Romains oublièrent-ils leur indulgence

  1. Contristati valde, I. Rois, XXX, 6 ; II Rois, XIII, 21 ; I. Mach., X, 68 ; Contristati valde, I. Mach., XIV, 16 ; Matth., XVIII, 31 ; XXVI, 12.
  2. Voyez tome XIII, page 171.