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TOUT EN DIEU,


Puisque cette réfraction est nécessaire à la vue, il faut bien qu’il y ait dans ces planètes des êtres qui aient la faculté de voir. Il n’est pas vraisemblable que ce bel usage de la lumière soit perdu pour les autres globes. Puisque l’instrument y est, l’usage de l’instrument doit y être aussi. Partons toujours de ces deux principes que rien n’est inutile, et que les grandes lois de la nature sont partout les mêmes : donc ces soleils innombrables, allumés dans l’espace, éclairent des planètes innombrables ; donc leurs rayons y opèrent comme sur notre petit globe ; donc des animaux en jouissent.

La lumière est de tous les êtres ou de tous les modes du grand Être celui qui nous donne l’idée la plus étendue de la Divinité, tout loin qu’elle est de la représenter.

En effet, après avoir vu les ressorts de la vie des animaux de notre globe, nous ne savons pas si les habitants des autres globes ont de tels organes. Après avoir connu la pesanteur, l’élasticité, les usages de notre atmosphère, nous ignorons si les globes qui tournent autour de Sirius ou d’Aldébaram sont entourés d’un air semblable au nôtre. Notre mer salée ne nous démontre pas qu’il y ait des mers dans ces autres planètes ; mais la lumière se présente partout. Nos nuits sont éclairées d’une foule de soleils. C’est la lumière qui, d’un coin de cette petite sphère sur laquelle l’homme rampe, entretient une correspondance continuelle entre tous ces univers et nous. Saturne nous voit, et nous voyons Saturne. Sirius, aperçu par nos yeux, peut aussi nous découvrir ; il découvre certainement notre soleil, quoiqu’il y ait entre l’un et l’autre une distance qu’un boulet de canon, qui parcourt six cents toises par seconde, ne pourrait franchir en cent quatre milliards d’années.

La lumière est réellement un messager rapide qui court dans le grand tout de mondes en mondes. Elle a quelques propriétés de la matière, et des propriétés supérieures ; et si quelque chose peut fournir une faible idée commencée, une notion imparfaite de Dieu, c’est la lumière : elle est partout comme lui ; elle agit partout comme lui.

RÉSULTAT.

Il résulte, ce me semble, de toutes ces idées, qu’il y a un Être suprême, éternel, intelligent, d’où découlent en tout temps tous les êtres, et toutes les manières d’être dans l’étendue.

Si tout est émanation de cet Être suprême, la vérité, la vertu, en sont donc aussi des émanations.