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DES THÉISTES. 69

contraire, nous le regardons comme un homme distingué entre les hommes par son zèle, par sa vertu, par son amour de régalilé fraternelle ; nous le plaignons comme un réformateur peut-être un peu inconsidéré, qui fut la victime des fanatiques persé- cuteurs.

Nous révérons en lui un théiste Israélite, ainsi que nous louons Socrate, qui fut un théiste athénien. Socrate adorait un Dieu, et l'appelait du nom de père, comme le dit son évangélistc Platon. Jésus appela toujours Dieu du nom de père, et la formule de prière qu'il enseigna commence par ces mots, si communs dans Platon, Notre père. Ni Socrate ni Jésus n'écrivirent jamais rien. Ni l'un ni l'autre n'institua une religion nouvelle. Certes, si Jésus avait voulu faire une religion, il l'aurait écrite. S'il est dit que Jésus envoya ses disciples pour baptiser, il se conforma à l'usage. Le baptême était d'une très-haute antiquité chez les Juifs ; c'était une cérémonie sacrée, empruntée des Égyptiens et des Didiens, ainsi que presque tous les rites judaïques. On baptisait tous les prosélytes chez les Hébreux. Les mâles recevaient le baptême après la circoncision. Les femmes prosélytes étaient baptisées; cette cérémonie ne pouvait se faire qu'en présence de trois anciens au moins, sans quoi la régénération était nulle. Ceux qui, parmi les Israélites, aspiraient k une plus haute perfection, se faisaient baptiser dans le Jourdain. Jésus lui-même se fit baptiser par Jean, quoique aucun de ses apôtres ne fût jamais baptisé.

Si Jésus envoya ses disciples pour chasser les diables, il y avait déjà très-longtemps que les Juifs croyaient guérir des pos- sédés et chasser des diables. Jésus même l'avoue dans le livre qui porte le nom de Matthieu*. Il convient que les enfants même chassaient les diables.

Jésus, h la vérité, observa toutes les institutions judaïques; mais, par toutes ses invectives contre les prêtres de son temps, par les injures atroces qu'il disait aux pharisiens, et qui lui atti- rèrent son supplice, il paraît qu'il faisait aussi peu de cas des superstitions judaïques que Socrate des superstitions athéniennes.

Jésus n'institua rien qui eût le moindre rapport aux dogmes chrétiens; il ne prononce jamais le mot de chrétien : quelques- uns de ses disciples ne prirent ce surnom que plus de trente ans après sa mort.

L'idée d'oser faire d'un Juif le créateur du ciel et de la terre n'entra certainement jamais dans la tête de Jésus. Si l'on s'en

1. MatUiieu, chapitre xii, verset 27. (A'oie de Voltaire.)

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