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o8 PROFESSION DE FOI

aux chefs du peuple, iuvisible au peuple, jaloux des rois Toisins, et tautôt vainqueur, tantôt vaincu

Qu'on remarque surtout ce passage des Juges: « Adonaï mar- cha avec Juda, et se rendit maître des montagnes; mais il ne put exterminer les habitants des vallées, parce qu'ils abondaient en chariots armés de faux^ »

Nous n'insisterons pas ici sur le prodigieux ridicule de dire qu'auprès de Jérusalem les peuples avaient, comme à Babylone, des chars de guerre dans un malheureux pays où il n'y avait que des ânes ; nous nous bornons à démontrer que le dieu des Juifs était un dieu local, qui pouvait quebiue chose sur les mon- tagnes, et rien sur les vallées : idée prise de l'ancienne mytho- logie, laquelle admit des dieux pour les forêts, les monts, les vallées et les fleuves.

Et si on nous objecte que, dans le premier chapitre de la Ge- nèse, Dieu a fait le ciel et la terre, nous répondons que ce chapitre n'est qu'une imitation de l'ancienne cosmogonie des Phéniciens, très-antérieurs cà réta])lissement des Juifs en Syrie ; que ce pre- mier chapitre même fut regardé par les Juifs comme un ouvrage dangereux qu'il n'était permis de lire qu'à vingt-cinq ans. Il faut surtout bien remarquer que l'aventure d'Adam et d'Eve n'est rap- pelée dans aucun des livres hébreux, et que le nom d'Eve ne se trouve que dansTobie, qui est regardé comme apocryphe par toutes les communions protestantes et par les savants catholiques.

Si l'on voulait encore une plus forte preuve que le dieu juif n'était qu'un dieu local, la voici : un brigand nommé Jephté, qui est à la tête des Juifs, dit aux députés des Ammonites : « Ce que possède Chamos votre dieu ne vous appartient-il pas de droit? Laissez-nous donc posséder ce qu'Adonaï notre dieu a obtenu par ses victoires =' .»

Voilà nettement deux dieux reconnus, deux dieux ennemis l'un de l'autre : c'est bien en vain que le trop simple Calmet veut, après des commentateurs de mauvaise foi, éluder une vérité si claire. Il en résulte qu'alors le petit peuple juif ainsi que tant de grandes nations avaient leurs dieux particuliers : c'est ainsi que Mars combattit pour les Troyens, et Minerve pour les Grecs; c'est ainsi que, parmi nous, saint Denis est le protecteur de la France, et que saint Georges l'a été de l'Angleterre. C'est ainsi que partout on a déshonoré la Divinité.

��1. Juges, I, 19. [Note de Voltaire.) "2. Juges, xi, 24. (Ici.)

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