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A M. BERGIER. 53

XXV.

Si vous avez malheureusement invité nos ennemis à s'irriter de tant de scandales, de tant de cruautés, d'une soif si intaris- sable de l'argent, des honneurs et du pouvoir, de cette lutte éter- nelle de l'Église contre l'État, de ces procès interminables dont les tribunaux retentissent, ne leur apprêtez point à rire en discutant des histoires qu'on ne doit jamais approfondir. Qu'importe, hélas ! à notre salut que le démon Asmodée ait tordu le cou à sept maris de Sara, et qu'il soit aujourd'hui enchaîné chez les Turcs, dans la haute Egypte ou dans la basse?

Vous auriez pu vous abstenir de louer l'action de Judith, qui assassina Holoferne en couchant avec lui. Vous dites, pour la jus- tifier i, que (i chez les anciens peuples, comme chez les sauvages, le droit de la guerre était féroce et inhumain ». Vous demandez « en quoi l'action de Judith est différente de celle de Mutins Scé- vola?» Voici la différence, monsieur; Scévola n'a point couché avec Porsenna, et Tite-Live n'est point mis par le concile de Trente au rang des livres canoniques.

Pourquoi vouloir examiner l'édit d'Assuérus, qui fit publier que dans dix mois on massacrerait tous les Juifs parce qu'un d'eux n'avait pas salué Aman ? Si ce roi a été insensé, s'il n"a pas prévu que les Juifs auraient pendant dix mois le temps de s'enfuir, quel rapport cela peut-il avoir à nos devoirs, à la piété, à la charité ?

On vous arrêterait à chaque page, à chaque ligne : il n'y en a presque point qui ne prépare un funeste triomphe à nos ennemis.

Enfin, monsieur, nous sommes persuadés que, dans le siècle où nous vivons, la plus forte preuve qu'on puisse donner de la vérité de notre religion est l'exemple de la vertu. La charité vaut mieux que la dispute. Une bonne action est préférable à l'intel- ligence du dogme. Il n'y a pas huit cents ans que nous savons que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Mais tout le monde sait depuis quatre mille ans qu'il faut être juste et bienfaisant. Nous en appelons de votre livre à vos mœurs mêmes, et nous vous conjurons de ne point déshonorer des mœurs si honnêtes par des arguments si faibles et si misérables, etc.

Signe : Chambox, Dlmoulixs, Desjardixs, et Verzenot. 1. Page 145, seconde partie. {Note de Voltaire.)

FIN DES conseils RAISONNABLES.

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