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A M. BERGIER. 51

par ces malheureux persuadés. On leur ciiA^oie, en 1655, des mis- sionnaires et des assassins. Lisez la relation de Morland, alors ministre d'Angleterre à la cour de Turin; vous y verrez un Jean Brocher, auquel on coupa le membre viril, qu'on mit entre les dents de sa tête coupée, plantée sur une pique pour servir de signal ;

Marthe Baral, dont on tua les enfants sur son ventre; après quoi on lui coupa les mamelles qu'on fit- cuire au cabaret de Macel, et dont on fit manger aux passants ;

Pierre Simon, et sa femme, âgés de quatre-vingts ans, liés et roulés ensemble, et précipités de rochers en rochers ;

Anne Charbonier, violée, et ensuite empalée par la partie même dont on venait de jouir, portée sur le grand chemin pour servir de croix selon l'usage de ce pays, où il faut des croix à tous les carrefours.

Le détail de ces horreurs vous fait dresser les cheveux; mais la multiplicité en est si grande qu'elle ennuie. On faisail périr ainsi des milliers d'imbéciles, en leur disant qu'il [fallait entendre la messe en latin. Il était bien clair qu'étant déchirés en mor- ceaux ils ne pouvaient avoir le bonheur d'aller à la messe.

Ah! monsieur, si vous voulez rendre la religion chrétienne aimable, ne parlez jamais de martyrs; nous en avons fait cent fois, mille fois plus que tous les païens. Nous ne voulons point répéter ici ce qu'on a tant dit des massacres des Albigeois, des habitants de Mérindol, de la Saint-Barthélémy, de soixante ou quatre-vingt mille Irlandais protestants, égorgés, assommés, pendus, brûlés par les catholiques, de ces millions d'Indiens tués comme des lapins dans des garennes, aux ordres de quelques moines. Nous frémissons, nous gémissons; mais, il faut le dire, parler de martyrs à des chrétiens, c'est parler de gibets et de roues à des ])ourreaux et à des recors.

XXIV.

Que pourrions-nous vous représenter encore, monsieur, après ce tableau aussi vrai qu'épouvantable, que vous nous avez forcés de vous tracer de nos mains tremblantes? Oui, à la honte de la nature, il y a encore des fanatiques assez barbares, des hommes

jHÙcédente, les deux paragraphes des Conseils faisaient partie de l'article iWAR- TYns. C'est aussi dans cette édition de 1772 que parut, pour la première fois, l'Addition de l'éditeur (qu'on a vue tome XVII, page 205), et que n'avaient pas négligée les éditeurs de Kehl. Il est assez singulier que les cinq alinéas que je rétablis ici leur aient échappé, ainsi qu'à tous mes autres prédécesseurs. (B )

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