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572 LE CRI DES NATIONS.

NOUTELLES PREUVES DU DROIT DE DISPOSER DE TOUS LES ROÏAUMES, PRÉTENDU PAR LES PAPES.

11 y a cent JjuUes d'évêqucs de Rome qui assurent expres- sément que les royaumes ne sont que des concessions de la chaire pontificale. Arrêtons-nous à celle d'Adrien IV au roi d'Angleterre Henri II, « On ne doute pas, et vous êtes persuadé que tout royaume chrétien est du patrimoine de saint Pierre, et que l'Ir- lande et toutes les îles qui ont reçu la foi appartiennent à l'Église romaine. Nous apprenons que vous voulez subjuguer cette île, pour faire payer un denier à saint Pierre par chaque maison, ce que nous vous accordons avec plaisir, etc, »

Il n'est presque point d'État en Europe où des bulles à peu près seml)lables n'aient fait répandre des torrents de sang. Ne parlons ici que des papes qui osèrent excommunier les rois de France 1 Robert, Philippe I", Philippe-Auguste; Louis VIII, père de saint Louis, excommunié par un simple légat, acceptant pour pénitence de payer au pape le dixième de son revenu de deux années, et de se présenter nu-pieds et en chemise à la porte de Notre-Dame de Paris, avec une poignée de verges, pour être fouetté par les chanoines, pénitence, dit-on, que ses domestiques accomplirent pour leur maître; Philippe le Bel, livré au diable par Boniface VIII, son royaume en interdit- et transféré à .Albert d'Autriche; enfin le bon roi Louis XII, excommunié par Jules II, et la France mise encore en interdit par ce vieux et fougueux soldat, évêque de Rome,

Les plaies que les papes fauteurs de la Ligue ont faites à la France ont saigné trente années, depuis que le cordelier Sixte-

1. Voyez la note 2, tome XXV, page 232.

2. Le commun des lecteurs ignore la manière dont on interdisait un royaume. On croit que celui qui se disait le père commun des clirétiens se bornait à pri- ver une nation de toutes les fonctions du christianisme, afin qu'elle méritât sa grâce en se révoltant contre le souverain. Mais on observait dans cette sentence des cérémonies qui doivent passer à la postérité. D'abord on défendait à tout laïque d'entendre la messe, et on n'en célébrait plus au maître-autel. On décla- rait l'air impur. On était tous les corps saints de leurs châsses, et on les étendait par terre dans l'église, couverts d'un voile. On dépendait les cloches, et on les enterrait dans des caveaux. Quiconque mourait dans le temps de l'interdit était jeté à la voirie. 11 était défendu de manger de la chair, de se raser, de se saluer. Enfin le royaume appartenait de droit au premier occupant; mais le pape prenait toujours soin d'annoncer ce droit par une bulle particulière, dans laquelle il dési- gnait le prince qu'il gratifiait de la couronne vacante. {Note de V^oîtaire.)

— Cette note fut reproduite en 1771, par Voltaire, à la suite de son Ëpitre au roi de Danemark : voyez tome X.

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