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LE CRI DES NATIONS. 571

��DES r.OVAUJIES DONNES PAR LES PAPES.

Quiconque a lu sait que les papes ont donné ou cru donner tous les royaumes de l'Europe, sans en excepter aucun, depuis les montagnes glacées de la Norvège jusqu'au détroit de Gibraltar. Ceux qui n'ont pas lu ne le croiront pas, parce que d'un côté ce comble d'audace, et de l'autre cet excès d'avilissement, semblent incompréhensibles.

Hildebrand ou Childebrand, moine de Cluny, pape sous le nom de Grégoire VIT, est le premier qui, au bout de mille ans, pervertit à ce point le christianisme. Il ose citer l'empereur Henri IV à comparaître devant lui en 1076; il prononce contre cet empereur un arrêt de déposition, la même année ^ : « Je lui défends, dit-il, de gouverner le royaume teutonique, et je délie tous ses sujets du serment de fidélité. »

L'année suivante, ayant soulevé contre lui l'Allemagne, il le force à venir lui demander pardon, pieds nus, et revêtu d'un cilice.

En 1088, le même Childebrand donne, de son autorité privée, l'empire à Rodolphe, duc de Souabe.

Urbain II, moine de Cluny, comme Grégoire VII, marche sur les mêmes traces,

Pascal II va plus loin ; il arme le fils de Henri IV contre son père, et en fait un parricide.

Enfin ce grand empereur meurt en 1106, dépouillé de Tempire, et réduit à l'indigence. On Tenterre à Liège; mais comme il était excommunié, son propre fils Henri V le fait exhumer, et un manœuvre l'enterre à Spire, dans une cave.

Après cet horrible exemple, il est inutile de rapporter tous les attentats sans nombre que les papes exercèrent contre tant d'em- pereurs, et les calamités de la maison de Souabe.

Les papes ne permettaient pas qu'on lût l'Écriture sainte; il suffisait qu'on sût qu'ils étaient les vicaires de Dieu, et qu'en cette qualité ils devaient disposer de tous les royaumes de la terre. C'était précisément ce que le diable proposa à Jésus-Christ sur la montagne "^ où il est dit qu'il le transporta.

��1. Voyez tome XIII, page 298.

2. Matthieu, iv, 8; Luc, iv, 5.

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