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SUR LA COMMUNION. 559

pourquoi faut-il qu'il y ait des choses cachées dans la religion? Tout ne doit-il pas être public? tout ne doit-il pas être commun à tous les hommes que le même Dieu a fait naître, çt que le même soleil éclaire?

Si on venait nous dire que l'adoration de Dieu, l'amour du prochain, la justice, la modestie, la compassion, Taumône, sont des mystères, nul de nous ne pourrait le croire. Les hommes ne cachent jamais leurs projets, leurs sentiments, leur conduite, que dans l'idée de mal faire, et dans la crainte d'être reconnus. Pour- quoi donc mettrions-nous dans la religion ce que nous abhorrons dans la vie civile ? Que dirions-nous d'une loi cachée, d'une loi qui ne pourrait à peine être entendue que d'un très-petit nombre de jurisconsultes ? Comment pourrions-nous suivre cette loi, sur- tout si ses interprètes ne s'étaient jamais accordés? Toute loi qui n'est pas claire, précise, intelligible à tous les esprits, n'est qu'un piège tendu par la fourberie à la simplicité. Une ordonnance mystérieuse d'un souverain serait même quelque chose de si absurde et de si intolérable que je ne crois pas qu'il y en ait un seul exemple sur la terre. Accuserons-nous Dieu d'avoir fait ce que les tyrans les plus insensés n'ont jamais eu la démence de faire? Dieu n'aurait-il parlé qu'en énigmes au genre humain; que dis-je, à la plus petite partie du genre humain, pour se cacher entièrement à tout le reste, et pour ne se montrer qu'à demi à ce petit nombre de favoris qui se sont disputé par tant de crimes les bonnes grâces de leur maître? Mersitne hoc pulvere verum ut caneret paucis ^?

Dieu a dit à tous les hommes : Aimez-moi, et soyez justes. Voilà une loi claire, et sur laquelle il est impossible de disputer. Lorsque nous trouvons dans nos codes des passages équivoques, ce qui est un grand fléau du genre humain, nous tâchons de les ramener au sens le plus raisonnable; nous nous en tenons à la partie de la loi qui est la plus clairement énoncée. Or qu'y a-t-il, je vous prie, de plus raisonnable et de plus lumineux que ces mots : Faites ceci en mémoire de moi? C'est donc en vertu de ces paroles que nous sommes assemblés. Nous nous acquittons d'une cérémonie que nous croyons nécessaire, parce qu'elle est ordon- née, parce qu'elle nous inspire la concorde, parce qu'elle nous rend plus chers les uns aux autres.

Mais en nous unissant plus étroitement, nous ne regardons

1. Il y a dans Lucain, IX, 577 :

LU caneret paucis, morsitque hoc pulvere verum.

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