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558 HOMÉLIE

dififérente de la réelle ; je n'entrerai dans aucune des distinctions de l'école, elles sont trop au-dessus de notre heureuse simplicité. Que le pape Innocent III, dans son quatrième livre des Mystères, épuise son grand génie pour deviner ce que deviendrait le corps mystique ou réel de Jésus, s'il prenait un flux de ventre à un communiant, et de quelle matière seraient ses excréments : ces matières sont trop relevées pour moi.

Que Durand, dans son RationaV, décide que ces matières ne seraient engendrées que par les accidents; que Tolet^ dans son Instruction sacerdotale, affirme qu'un prêtre pourrait consacrer et transsubstantier tout le pain d'un boulanger et tout le vin d'un cabaretier ; que le concile de Trente ajoute que ce changement ne se fait point, à moins que le prêtre n'en ait l'intention expresse ; que plusieurs docteurs disent que dans reucharistie il y a quan- tité sans quantum, et accident sans substance; qu'ils déclarent qu'on peut être camus sans avoir de nez, et boiteux sans avoir de jambes, simitas sine naso, claudicatio sine crure : je ne vois pas que la connaissance de ces questions sublimes serve beaucoup à rendre les hommes meilleurs, et qu'on acquière une vertu de plus pour avoir approfondi comment on peut être camus sans nez.

Ce qu'il y a de déplorable, messieurs, ce qu'il y a d'horrible, c'est que le sang a coulé pendant deux siècles pour ces questions théologiques, et que notre reine Marie, fille de Henri VIII, a fait briller plus de huit cents citoyens qui ne voulaient pas con- venir que la rondeur existât sans un corps rond, et qu'il y eût de la blancheur sans un corps blanc. Nous ne pouvons que tremper de nos larmes le peu de pain que nous allons manger ensemble, en nous rappelant la mémoire des calamités et des horreurs qui ont inondé presque toute l'Europe pour des choses dont les Cafres, les Hottentots, rougiraient, et concevraient pour nous autant d'indignation que de mépris.

On appelle la sainte cérémonie que nous allons faire un sacre- ment; à la bonne heure : je ne viens pas ici pour disputer sur des mots. Nous ne savons, ni vous ni moi, ce que c'est qu'un sacrement; c'est un mot latin qui signifiait serment chez les Romains : je ne vois pas que nous fassions ici aucun serment. On nous dit aujourd'hui que sacrement veut dire mystère; j'y consens encore, sans savoir le moins du monde ce que c'est qu'un mys- tère : ce mot signifiait chez les Grecs une chose cachée. Mais

��1. Liv. IV, ch. xi.T. .Vote de Voltaire.)

2. Tolet, De Instriiclione sacerdotali, liv. II, ch. xxv. (/d.J

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