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par Jésus-Christ, que dès cette heure vous ne le portiez plus, mais que vous l’abandonniez. Et, ayant été lâché tout à coup[1], il tomba dans l’endroit qui s’appelle la Voie sacrée ; et, s’étant partagé en quatre parts, il assembla quatre cailloux en un, qui servent encore de témoignage à la victoire des apôtres jusqu’aujourd’hui. Alors Paul leva la tête au bruit qu’il fit en se brisant, et dit : Nous vous rendons grâces, Seigneur Jésus-Christ, qui nous avez exaucés, et avez démasqué Simon le Magicien, et avez prouvé que nous sommes vos disciples dans la vérité. Alors Néron, plein d’une grande colère, fit mettre Pierre et Paul dans les chaînes ; et, pour le corps de Simon, il le fit soigneusement garder trois jours et trois nuits, pensant qu’il ressusciterait le troisième jour ; et Pierre lui dit : Vous vous trompez, ô empereur ! il ne ressuscitera pas, parce qu’il est véritablement mort, et condamné à la peine éternelle. Néron lui répondit : Qui vous a permis de commettre un tel crime ? Pierre répondit : Son obstination ; et, si vous le comprenez, c’est un grand avantage pour lui qu’il soit péri, pour ne plus multiplier de si grands blasphèmes contre Dieu, qui aggraveraient son supplice. Néron dit : Vous m’avez rendu l’esprit suspect ; c’est pourquoi, par un mauvais exemple, je vous perdrai. Pierre répondit : Ce n’est pas ce que vous voulez, mais ce qui nous a été promis, qui doit nécessairement s’accomplir. Alors Néron, rempli de colère, dit à son préfet Agrippa : Il faut perdre misérablement ces hommes irréligieux ; c’est pourquoi, les ayant liés de chaînes de fer, faites-les périr dans le bassin où se donne le combat naval ; car il faut que tous les hommes de cette sorte périssent misérablement. Le préfet Agrippa dit[2] : Très-sacré empereur, vous ne les faites pas punir par un exemple convenable. Néron dit : Pourquoi n’est-il pas convenable ? Agrippa dit : Parce que Paul paraît innocent. Pierre, qui est coupable d’un homicide, doit souffrir une peine amère. Néron dit : De quel exemple périront-ils donc ? Agrippa dit : À ce qu’il me semble, il est juste que Paul, irréligieux, ait la tête tranchée, et Pierre, qui de plus a commis un homicide, faites-le élever en

  1. Abdias dit que les ailes qu’il avait prises s’étant embarrassées, il tomba, se brisa tout le corps, s’estropia les cuisses, et expira dans ce lieu même quelques heures après ; au contraire, Arnobe, I. II, Adversus gentes, rapporte que son char et ses quatre chevaux de feu s’étant dissipés, il tomba par son propre poids, se brisa les cuisses, et qu’ayant été porté à Brindes, de douleur et de honte il se précipita une seconde fois du haut d’un bâtiment. (Note de Voltaire.)
  2. Lin, De Passione Petri, ajoute une autre cause du supplice de l’apôtre : c’est qu’il avait détourné les épouses d’Agrippa, d’Albin, et de quelques autres grands, de l’amour conjugal envers leurs maris. (Id.)